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ASSOCIATIONS OUVRIÈRES DANS LA GRANDE-BRETAGNE.

bénéfices. Il y a quatre ans, la Chambre des communes a rejeté un amendement par lequel on se proposait de corriger la loi. Si les fabricants le voulaient bien, ils pourraient sans aucun doute réformer cet état de choses ; ils savent bien que celui-là qui veut, peut. Where a will, there’s a way ; mais en attendant, il est certain que tout mauvais vouloir à ce sujet peut s’abriter derrière l’illégalité d’une réforme.

Des hommes de progrès ont proposé l’établissement en Angleterre de Conseils de prud’hommes, que la législation, influencée par l’opinion publique, investirait d’une mission d’arbitrage et de réorganisation industrielle. Ces conseils, composés de patrons et de délégués de Trades’Unions, siégeraient au centre de chaque industrie ; Manchester, Liverpool, Birmingham, Newcastle, Swansea seraient les sièges d’autant de tribunaux industriels, où se tiendraient les assises du travail. De là, il n’y aurait qu’un pas à faire pour l’établissement de Congrès internationaux d’industrie.

Nous croyons cette idée excellente, nous croyons même qu’elle se réalisera un jour, et cela tout aussi certainement qu’on verra s’assembler un congrès permanent, dont les attributions croîtront constamment en importance, un congrès chargé de décider en dernier ressort de toutes les questions de politique extérieure entre les nations fédérées des États unis d’Europe. Mais nous n’espérons pas que la réforme assez prochainement proposée se réalise en Angleterre, nous ne croyons pas surtout que ce Conseil de prud’hommes possède de longtemps des moyens d’action assez puissants pour opérer une réforme radicale dans les conditions actuelles du travail. On l’a déjà dit bien des fois, nous vivons à une époque de féodalité, c’est-à-dire de barbarie industrielle. Nous appelons barbarie, une organisation dans laquelle, en vue d’augmenter ses bénéfices, le fabricant ferme ses ateliers aux ouvriers auxquels il pourrait donner de l’ouvrage ; nous appelons barbarie, une organisation dans laquelle l’ouvrier ; pour augmenter son salaire, n’entre pas dans l’atelier qui lui est ouvert. Barbarie est le nom du système dans lequel les différends entre employeurs et employés se décident par des luttes meurtrières, qui ont pour résultat définitif d’envoyer des masses de malheureux à l’hôpital et aux workhouses, et de faire porter sur la liste des faillis les noms de plus d’un commanditaire et entrepreneur.

Nous n’attribuons donc pas à un Conseil de prud’hommes la valeur d’une panacée réformatrice. Ce serait fort beau de trouver douze hommes de bien, jugeant avec équité les malentendus entre maîtres et ouvriers ; mais nous trouverions encore plus beau qu’on abolît catégoriquement l’opposition entre telles et telles classes de la société, qu’on abolît l’antagonisme entre le prolétariat et la bourgeoisie. Nous voudrions que le même individu fût de règle générale capitaliste en même temps que tra-