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journal de la commune

se ruer à l’assaut de la pauvre Commune. Ce sera une guerre à mort, une guerre au couteau. De même que le cours de la rente règle le marché de toutes les autres valeurs, de même les traitements payés par l’État servent de norme aux traitements des employés dans le commerce et l’industrie ; c’est parce que les ministres et les ambassadeurs se font payer des traitements de cent mille francs que les directeurs de chemins de fer se font payer même somme, et qu’un gros usinier croit à peine pouvoir se contenter du traitement d’un sénateur. Cette loi de la Commune m’épouvante. Elle annonce que la détermination a été prise afin de couper court à l’exploitation de la chose publique, aux gros voleurs, aux pirates et corsaires. Le ministère de l’Intérieur et le ministère de la Justice ne doivent plus être les succursales de la Bourse. Les honneurs n’étant plus lucratifs, on n’aura plus intérêt à en trafiquer, à les vendre, à les acheter, à les voler ; c’est le fonctionnaire qui honorera la fonction et non plus la fonction qui honorera le fonctionnaire. On sera payé honnêtement et modestement, donc il faudra travailler réellement et sérieusement. Comment M. Thiers qui, pour être simple Président du Pouvoir Exécutif, ne se fait payer que cinq cent mille francs par an, comment M. Thiers, déjà plusieurs fois millionnaire de son propre chef, consentirait à un traité de paix avec la Commune de Paris qui ne lui laisserait plus que 500 francs par mois ? Mais cela est absurde, cela est inadmissible et du plus funeste exemple, c’est d’un bond se précipiter plus bas que la République des États-Unis qui accorde encore à son Président quelques milliers de dollars. Ah ! si Paris, au lieu d’installer dans sa Commune Pindy, le menuisier, Amoureux, le chapelier, Theiss, le ciseleur, Grélier, le blanchisseur, Billoray, le joueur de vielle, Duval, le fondeur, Assi, le mécanicien, Bergeret, le commis en librairie, Verdure, l’instituteur, Malon, le tourneur, le relieur Varlin, Clément, le teinturier et autres, si Paris avait plutôt assis dans ses fauteuils de l’Hôtel-de-Ville d’opulents propriétaires, de gros banquiers, des ingénieurs cumulards, et si Paris avait versé sur le tapis vert de larges sacoches d’or et d’argent : Allons, Messieurs, puisez à discrétion, et surtout pas de pruderie, ni bégueulerie… si Paris avait fait