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journal de la commune

qui pourrait nous sauver de la tempête qui s’amasse ? Aucune constitution n’a prévu le cas…

J’entends dire par des ennemis de la Commune qu’elle commet une iniquité en mettant provisoirement sous séquestre les biens de ces gens là. — Nous y repenserons plus tard. Il s’agit bien maintenant de quelques maisons et de quelques mobiliers !

Paris, 5 Avril 1871.

Le capitaine, sous la protection duquel je m’étais mis pour mon expédition qui n’a pas été plus loin que la place de la Concorde, m’a raconté les suites tragiques de l’affaire :

« L’ordre nous fut donné hier à 4 heures du matin de partir en éclaireurs pour Châtillon, subito. Eclairer quoi ? aller où ? par quel chemin ? éclairer comment ? à qui faire son rapport ? et des munitions ?

» — Ah ! que d’exigences. Allez à Châtillon, immédiatement, vous dit-on.

» — Soit !

» — On prit une route quelconque. Tant bien que mal on arriva aux alentours de Châtillon ; de ci de là on s’y promenait. Dès le jour, des gardes nationaux affamés, et encore plus altérés, se répandaient dans les guinguettes du voisinage et s’y attablaient. Quant aux infatigables, quand aux zélés, à leur aise, ils patrouillaient par les chemins. Je poste quelques hommes, vos deux frères parmi, dans un ancien trou de Prussiens et combine mes rondes. Je ne suis pas longtemps sans flairer des Versaillais. Les hommes sortent bientôt de leur trou et courent derrière un de leurs sergents qui, apercevant un bout du drapeau rouge à travers les arbres : « Les camarades sont dans la redoute là-bas. Qui m’aime me suive ! »

Déjà les balles commencent à pleuvoir. Un de vos frères s’attarde à ramasser un blessé. Plusieurs bataillons versaillais débusquent ; ils avancent au cri de « Vive la République  ! » Feinte ou non, les Parisiens le prennent pour sincère, répondent « Vive la République ! » et se laissent approcher en mettant eux-mêmes la crosse en l’air. Quand ils sont presque à portée de baïonnette, les prétendus amis leur disent : « Vive la République, c’est bel et bien, mais