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journal de la commune

et somme les gardes nationaux en faction de se retirer. Ceux-ci répondent en invitant les gendarmes à faire cause commune avec le peuple. Le maréchal des logis donne l’ordre de charger, mais les gardes nationaux ripostent et les gendarmes se retirent. Plusieurs compagnies de nationaux se lancent alors sur leurs traces, ils remontent jusqu’au rond-point. Là, ils sont accueillis par la fusillade des zouaves de Charette, embusqués derrière une barricade et qui les mitraillaient aux cris de « Vive le Roy ! ». Surpris et décimés, les nationaux battirent en retraite, zouaves, gendarmes, argousins et lignards derrière eux ; la bataille reflua jusqu’à la Porte-Maillot, qu’un instant on parut croire en danger. Survinrent alors des tirailleurs de la presse, une centaine de volontaires garibaldiens qui rétablirent le combat. Peu à peu, des gardes nationaux arrivaient en foule… Ce que voyant, les Versaillais battirent en prompte retraite de l’autre côté du pont.

Pendant que le gros des gardes nationaux, mitraillé du haut de Courbevoie, battait en retraite, deux cents hommes de la Commune, cernés par les gendarmes et lignards, allaient être pris, quand la ligne leva la crosse en l’air : « Vive la République ! » Les gendarmes alors de tourner bride, tandis que cent à deux cents lignards se joignent aux nationaux. Je les ai vus se dirigeant vers l’Hôtel de Ville, la foule les saluait sur leur passage par des acclamations enthousiastes : « Vive l’armée ! vive l’armée ! »

Nous entendons dire avec horreur que tous les anciens soldats trouvés par les Versaillais dans les rangs des gardes nationaux ont été fusillés ; on en aurait abattu deux cents de la sorte dans un seul enclos ; il paraît qu’ils veulent réellement massacrer tous les militaires qui ont fraternisé avec le peuple ; mais cela est impossible, ils devraient alors fusiller des centaines et même des milliers d’hommes.

À partir de midi, tout rentre peu à peu dans le silence. Satisfait de sa brillante initiative, heureux de son coup d’éclat, fier d’avoir encore mitraillé des Français, comme dans les journées du 22 janvier et du 2 décembre, M. le général Vinoy a repris le chemin de Versailles, traînant après lui quelques centaines de prisonniers ramassés dans sa razzia.

Dans la soirée, nous errions, fiévreux par les rues, écou-