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journal de la commune

franchises municipales qui resteraient étrangères aux autres villes ; ils entendent bien que leur mouvement se propage dans toute la France et la dépasse. Ces hommes de la Commune ne se considèrent point comme les bourgeois de Paris, mais comme les citoyens du Monde. Ils parlent au nom d’une Commune, mais leur Commune elle-même procède d’une idéale Fédération Internationale.

On voit d’ici l’inutilité des discussions, tout l’oiseux des controverses soulevées de droite et de gauche. Les uns parlent des droits spécifiques du Parisien, les autres parlent des droits de l’Homme.

Dès le lendemain du 18 Mars[1], il y avait eu certaines difficultés relativement aux postes. Le gouvernement qui avait déménagé tous les ministères, tous les services et toutes les administrations, notamment celle de l’Assistance publique, n’avait pas eu le temps de désorganiser complètement le service des Postes, et le service des correspondances se faisait encore tant bien que mal. Mais on voulait le désorganiser complètement. M. Rampont, directeur général des postes, sollicita l’envoi de deux délégués, « choisis par le Comité central de la garde nationale, pour contrôler sa gestion jusqu’à ce que la Commune, dont il reconnaissait d’ailleurs l’autorité, fût régulièrement constituée. Ayant ainsi assoupi la défiance et endormi la surveillance, l’habile Rampont vida caisses et tiroirs, emballa son matériel et emmena ses principaux employés : tout ça disparut furtivement et nuitamment, et le lendemain matin les employés de deuxième et troisième catégories trouvèrent affiché dans la cour de l’hôtel un ordre anonyme imposant la cessation immédiate de tous les services. Le désarroi qui s’en est suivi dans la population est facile à imaginer. On s’était réhabitué déjà aux lettres et aux journaux. Une fois de plus deux millions d’hommes ont été brusquement séparés du reste du monde ; une fois de plus nous sommes isolés sur un point unique au milieu de l’espace immense. De tous nos intérêts, de nos curiosités, de nos affections, de tout ce qui est au delà de l’enceinte des murailles, nous ne savons plus rien. Entre la scène du monde et nous, un

  1. On a raconté comme ayant eu lieu vers le 20 Mars (voir p. 12), un fait qui n’a eu lieu que plus tard et devrait être intercalé ici.