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journal de la commune

sibilité de payer, ils ne paieront pas. » Voilà ce que dit la Commune de Paris. Tandis que l’Assemblée siégeant à Bordeaux et Versailles entasse discussions sur discussions et projets sur projets de loi pour résoudre le problème : « Etant donné des gens qui ne peuvent pas payer, les forcer à payer. »

Car les dix-neuf vingtièmes de la population parisienne sont insolvables ; le commerce, l’industrie sont ruinés, toutes les réserves ont été mangées pendant les longs mois de siège — telle est la triste vérité. On le sait à Versailles aussi bien qu’à Paris, mais, dans les deux villes, on raisonne différemment. À Paris on dit : « Puisque perte il y a, qu’elle soit subie par ceux qui peuvent perdre quelque chose. » Et Versailles maintient : « Puisque perte il y a, qu’elle soit subie, non par ceux qui ont le moins perdu mais par ceux qui ont le plus perdu. La propriété des propriétaires est sacro-sainte, et dans son fonds et dans ses revenus. Et si le propriétaire ne peut recouvrer l’intérêt de sa maison sur le tailleur, le cordonnier ou la mercière, nous ferons rembourser le propriétaire par l’impôt, par l’État. »

Cette question des locations n’est point une bagatelle : le chiffre de 350 millions de loyers annuels n’est pas exagéré, et celui de 400 millions plus probable encore. La Commune de Paris tranche la difficulté après trois quarts d’heure de discussion par un décret de trois lignes ; après deux mois de lois et contre-lois, Versailles n’en est pas encore venue à bout. Dès le premier jour, dès le premier acte, l’antagonisme se révèle entre les deux assemblées : c’est comme une bande blanche juxtaposée à une bande noire. Paris est révolutionnaire, Versailles est monarchique et bourgeois. À la question qui devait se poser inévitablement : « Qui paiera les 5 milliards du butin prussien ? les 10 milliards de dégâts ? » Versailles répond sans hésiter : « C’est le Travail ! » Paris répond imperturbablement : « C’est le Capital. »

Quant au second décret porté par la Commune, il est, si possible, plus significatif encore que le premier. L’existence d’une République est parfaitement incompatible avec l’existence d’une armée permanente. Sous l’empire de Bonaparte, le peuple était censé souverain, mais il avait