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journal de la commune

D’après les renseignements très succincts, très incomplets, sur les événements de Toulouse, que nous donnent les journaux réactionnaires, les seuls qui puissent circuler, il paraît que le branle-bas, à Toulouse comme à Paris, a été donné par les amis de l’ordre faisant leur petit coup d’État, le 24 mars. Le préfet de la Haute-Garonne, un républicain décidé et convaincu, les agaçait, il fallait s’en débarrasser au plus vite. M. Thiers le leur destitua par télégraphe, le remplaçant par l’hybride M. de Kératry, à la fois homme du monde, journaliste, officier et policier. Son prédécesseur étant encore en fonctions, un ban de magistrats, procureurs et avocats, de généraux et colonels, légitimistes, libéraux et bonapartistes, risquèrent le pronunciamento. Un procureur de la République saisissait le journal républicain, le directeur des postes le confisquait, le général lançait à ses troupes un soldatesque ordre du jour, un président de la Cour et un autre procureur distribuaient des placards, qu’ils faisaient afficher, annonçant partout que M. Thiers venait de destituer le préfet à opinions excessives, et que le nouveau préfet-général-policier, M. de Kératry, s’avançait sur Toulouse à la tête de forces importantes.

« C’en est fait de la République à Toulouse, si nous leur laissons les coudées franches. Quant à nous, allons-y gaiement et proclamons tout de suite la Commune ! » Ainsi raisonnent, ainsi procèdent nos populations du Midi. Et le lendemain au soir, les officiers de la garde nationale, constitués en Commune révolutionnaire, nommaient leur Commission exécutive.

Pendant la journée du dimanche, l’ancienne autorité légale et la nouvelle autorité révolutionnaire et leurs partisans n’en vinrent pas aux prises, les pourparlers même ne cessèrent pas pendant la nuit entre les membres de la Commune, représentant la garde nationale, le prolétariat et la petite bourgeoisie, d’un côté, et de l’autre, les ayant-pouvoir des gros bonnets, des képis, des toques et des calotins de la localité.

Pendant que duraient les négociations, on apprit, le lundi, que le nouveau préfet à poigne était arrivé et, dès la descente du train, s’était rendu à l’arsenal, au milieu des troupes et des autorités réunies. Bientôt apparurent sur la