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journal de la commune

saillants ; si on ne veut pas que déraillent des trains de voyageurs marchant à une certaine vitesse, il faut ménager les changements de direction par des courbes d’un certain rayon.

À ce point de vue, il eût été plus sage… peut-être… qui aujourd’hui ose affirmer carrément ? — plus sage, peut-être, de bigarrer davantage la liste, de la composer moins exclusivement d’hommes du même parti ; il eût été plus sage de triompher moins complètement. Votant sous le coup de la victoire du Comité central, les électeurs ont probablement outré la victoire. Nous n’eussions pas demandé que le cortège victorieux eût été augmenté par l’adjonction de quelques insulteurs, comme le voulait jadis l’étiquette des marches triomphales, nous nous fussions tenus pour satisfaits si aux nouveaux élus on eût ajouté quelques-uns de ces bons maires, comme on dit aujourd’hui non sans ironie, qui après s’être si maladroitement opposés aux élections s’y sont ralliés au dernier moment et nous ont valu ce bonheur inespéré : « la guerre civile n’a pas inondé de sang les rues de Paris. »

Quoi qu’il en soit, le fait est ainsi, le vote du 26 mars est la contre-partie exacte, la revanche la plus complète du vote des premiers jours de novembre. Alors Trochu, Favre, Picard, Simon ne voulaient pas même d’un conseil municipal tant soit peu sérieux, ils ne voulaient sous eux que d’humbles commis d’administration. Aujourd’hui, nous avons par contre-coup une Commune anonyme, composée d’hommes élus, non pour leurs mérites personnels, pour leur valeur individuelle — parmi eux il n’en manque pas ayant mérite personnel et valeur individuelle — mais élus à cause des programmes impersonnels et des théories dont ils sont les partisans et les soldats.

Que ce soit un bien, que ce soit un mal, ce ne sont pas des hommes choisis qui entrent dans la Commune, mais la compagnie des prolétaires ; compagnie indistincte, enrôlée au hasard dans l’Internationale, chez les Blanquistes ou ailleurs, elle vient planter le drapeau rouge sur l’Hôtel-de-Ville.

La proclamation des résultats du vote a donné lieu à une fête émouvante. Vers la place de l’Hôtel-de-Ville se dirigeaient bataillons après bataillons, joyeux, allègres, au