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journal de la commune

l’ai vu une femme marchant au pas sans mot dire. Elle portait le fusil, le père tenait l’enfant dans ses bras. Ah ! Thiers, petit Thiers, et vous, Messieurs Jules Favre et Jules Simon, que je vous méprise !

Fantaisie me prit, je ne sais pourquoi, d’entrer au sommet du côteau de Belleville, dans l’église néo-gothique, style patenté, rigoureusement conforme aux règlements les mieux autorisés. C’était vers les dix heures, la nef était remplie de néophytes, garçons et filles, auxquels un jeune vicaire à moustaches — ce vicaire est un libéral sans doute — expliquait les mystères du catéchisme catholique, apostolique et romain. Le docteur élucidait aux intelligences naïves ce que peut être l’enfer — réservé aux impies et aux révolutionnaires, vous savez, — il faisait comprendre l’éternité par la comparaison, si neuve, des siècles avec les grains de sable sur le bord de la mer…

Mais on ne manquera pas de raconter que, dans l’affreux Belleville, on a, pendant les deux mois d’une anarchie sans exemple, infligé à l’Eglise une persécution dont les horreurs sont tout au plus comparables à celles exercées par les Gallus et les Domitien.

Du haut de la Butte Chaumont, sur laquelle on met des canons en batterie, la vue sur Paris me rappelle, par sa grandeur imposante, celle qu’on a du Mont Salève sur Genève, le lac et la vallée du Rhône. Est-ce beau, est-ce laid ? Je ne sais, mais le spectacle est splendide, et on le contemple le cœur serré. Parmi les nombreux spectateurs qui regardent avec leur longue vue, les paroles sont rares, et brèves. Au rayonnement d’un soleil splendide, la masse des toits n’apparaît plus que d’un brun noirâtre. Quelques lanternes et fenêtres irradient en plusieurs points une lumière éblouissante. Paris s’étale à nos pieds, vaste plaine rocheuse, immense fourmilière plutôt, dans laquelle pailles et brindilles représentent des clochers, des colonnes et des arcs de triomphe. Mais dans ce fouillis humain, dans ce conflit sanglant des passions acharnées, nulle part, l’homme ne se voit directement, il est trop petit par rapport à la masse. La présence de ce fier et terrible insecte ne se révèle que par des fumées blanches, bleues ou noirâtres. Les blanches proviennent de la poudre en explosion, canonnades et mousqueterie ; nous avons vu les bombes et obus