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journal de la commune

commerçants est républicaine tout au plus, et nullement révolutionnaire ; mais le terrain n’est pas miné en dessous, comme de l’autre côté de la Seine. Et puis, on se sent ici sous le feu des rouges de Batignolles et de Montmartre, de Belleville et de Ménilmontant.

La physionomie de l’habitant diffère notablement suivant les quartiers ; et il faudrait être Parisien pour trouver quelque intérêt à une description politico-géographique des divers arrondissements. En général, on peut dire qu’à Paris le thermomètre républicain et révolutionnaire monte et descend suivant les altitudes du sol au-dessus du niveau de la mer. Le plan des égouts pourrait, avec de légères modifications servir de carte politique. La grande ligne de dépression est la Seine et le centre les Tuileries. Une légende se répand : c’est que les gardes nationaux exécutant un mouvement tournant, auraient repris les portes d’entrée et que les Versaillais, ayant leur retraite coupée, seraient maintenant pris entre deux feux. Légende comme nous n’en avons que trop entendu pendant le siège.

Néanmoins il est de fait que les Versaillais n’ont pas su ou n’ont pas voulu profiter de l’immense avantage d’une surprise qui leur livrait Paris presque sans coup férir. Contournant la place de la Concorde et la Madeleine, ils se sont emparés de la gare Saint-Lazare, ils ont suivi le chemin de fer jusqu’au nouveau collège Chaptal que leur a livré un bataillon de la garde nationale ami de l’ordre, lequel bataillon tire des fenêtres sur les camarades de la ville. Les soldats versaillais se sont avancés en bas jusqu’à l’église de la Trinité qui commande la chaussée d’Antin ; mais ils n’ont pas le bloc de maisons intérieures. Un ami me raconte avec une admiration enthousiaste comme quoi il a vu dans la rue Ferme des Mathurins des gardes nationaux élever une barricade sous le feu même de l’ennemi. Il y avait déjà en travers de la rue une ligne de pavés, trois grès et pas davantage, superposés. Couchés de leur long, des hommes avaient organisé une chaîne de pavés dont ils surélevaient leur fragile abri, tandis que des compagnons échangeaient avec les Versaillais des coups de fusil. Et cela tranquillement, sans phrases, sans même chanter : Mourir pour la patrie… calmement et sobrement… À ce propos,