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journal de la commune

c’est par centaines et centaines que l’on compte les canons de gros calibre amenés contre Paris ; que, devant les points les plus faibles des murailles, sont amoncelés de formidables amas de poudre et de bombes, de pétards, de gabions et de fascines ; qu’il n’y a pas de fort au monde, d’enceinte capable de résister à des batteries tirant quatre mille coups à l’heure, quand une armée de 200 000 hommes se tient prête, de jour et surtout de nuit, à se précipiter par une des brèches… Et si on répond : eh bien oui, ces formidables batteries ont tiré leurs quatre mille coups à l’heure, et les plus braves troupes du monde ont tenté l’assaut déjà plusieurs fois. Les prudents ne veulent plus rien entendre, ils veulent toujours avoir peur.

Je ne suis pas sans inquiétude, mais il me semble que la bataille ne peut pas être plus terrible qu’elle l’a été. Plusieurs fois déjà, les Versaillais se sont cassé bec et ongles contre nos murailles : ils ont démoli un fort, c’est vrai, à peu près démoli deux autres, mais partout où l’on se bat corps à corps, à Neuilly, Asnières, Colombes, depuis trois semaines, on a avancé d’un côté et reculé de l’autre, gagné ailleurs, et finalement on est toujours en d’aussi bonnes positions qu’avant. Je ne crois pas qu’il y ait grande stratégie là-dedans ; je ne crois pas qu’aucun de nos généraux se soit élevé à une tactique bien supérieure à celle de rester en place et de ne pas faire de retraite en bon ordre comme du temps Trochu. Mais il y a déjà deux mois que cela dure, et « le tout est de durer » comme disent les Normands.

Par cela seul que les choses durent, elles s’établissent, elles se tassent, s’ordonnent et se coordonnent. Certes notre Gouvernement, partagé en deux camps, celui du Comité Central, tel qu’il existait le 18 mars, et la Commune proprement dite, improvisée le 2 mars, est toujours comme affolé, débordé par les nécessités de la guerre, ne sachant quel milieu raisonnable prendre entre les rigueurs martiales, l’inflexible sévérité d’un vrai comité de salut public, et les aspirations idéales vers une République modèle, et au nom d’une Révolution faite pour le bonheur du genre humain.

En dehors du Gouvernement de Paris, qui ne fait rien pour consolider la situation et qui l’embrouille pour sa large