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journal de la commune

Mais ce qui nous indigne davantage encore que ce tripotage de stratégie et de métallurgie, c’est le brocantage d’hommes, le troc de tant de Luxembourgeois contre tant et tant d’habitants de Belfort. Quand même la France bénéficierait à ce marché, il a été ignoble à elle de le discuter. Comme honneur elle eût dû plutôt se laisser tuer peut-être que de se séparer de l’Alsace et de la Lorraine. On les lui a arrachées, la plus grande honte en est à la Prusse. Mais maquignonner villes et villages, des troupeaux d’hommes et de femmes, c’est vil, ce serait à faire rougir un Français si un patriote pouvait rougir encore. Oh ! que la Commune triomphe pour sauver notre honneur qu’elle triomphe pour sauver la France des gluantes étreintes de la pieuvre d’infamie qui déjà l’enserre et l’empoisse, l’étouffe et l’aspire !

Un festin très complet le jour même de la signature du Traité fut offert par le bourgmestre Mumm à M. de Bismarck ; le Friedensengel (sic) l’ange de la Paix, se leva après le dessert et, ventre plein, tête haute dans les festons et guirlandes, dans les lauriers et feuilles de palmiers, il résuma ainsi que suit les modifications introduites dans le nouveau Traité :

« Nous avons considérablement renforcé les conditions imposées. Nous nous faisons payer les cinq milliards en moins de temps. Nous prolongeons la durée de l’occupation. Le paiement des premiers 500 millions se fera 30 jours après la prise de Paris. Nous nous faisons livrer pour 300 millions seulement les chemins de fer de la Lorraine et de l’Alsace, pour lesquels les négociateurs français avaient demandé d’abord 800 millions ; le rabais n’est que de 500 millions. Il nous eût été possible d’en rabattre encore 30 à 36 millions, mais, après tout, l’affaire a été décidée avec ces messieurs d’une façon si honnête et coulante so honett und culant que nous n’avons pas insisté. C’était bien plus beau ainsi. Il n’y a qu’une chose, qu’une seule chose à laquelle les négociateurs français n’aient cédé, à un désir bien pieux de l’Empereur d’Allemagne qui désirait conserver la propriété des champs de bataille disséminés un peu partout en France. Pour garder en nos mains ces champs glorieux dans lesquels reposent nos héros, j’étais autorisé à offrir de grosses sommes. Mais les Français n’ont