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journal de la commune

Vendredi 19 mai.

Ce n’est pas seulement dans l’église Saint-Laurent qu’on déterre des squelettes, on en exhume aussi de la Trinité, on en met au jour plus d’une centaine à Notre-Dame des Victoires ; la presque totalité appartient au sexe féminin. Nul ne prétend que chacun de ces cadavres accuse un prêtre de cet épouvantable forfait comme à l’église Saint-Laurent : mais tout squelette postérieur à la Révolution française implique au moins un délit, car, depuis la Révolution, il a été interdit aux prêtres d’enterrer qui que ce soit dans les églises. Tout squelette ayant moins de 80 ans, trouvé sous les saintes dalles, indique une violation par nos vénérables ecclésiastiques de la loi sur les sépultures. La question à déterminer, je l’ai entendu formuler ainsi par une femme accourue à l’amoncellement de crânes, de tibias et de fémurs devant les Petits Pères : sont-ce là des cadavres neufs ? Quand les os ont une délicate couleur ambrée, quand surtout ils sont recouverts de chair et que, dans la chair, des vers grouillent encore, il n’est pas difficile de répondre. Donc ces prêtres tenaient la loi pour nulle et non avenue, quand il s’agissait de riches dévotes croyant abréger leur purgatoire, si, moyennant finances, ils les laissaient reposer sous des autels renfermant la divine hostie et devant lesquels on chante des messes incessamment. Riches dévotes, disons-nous, car à l’église des Victoires, une des églises fashionnables de Paris, on a trouvé dans les cercueils quantité de bijoux et bracelets. Après examen médical, tout ce lugubre attirail de mort va être transporté au cimetière légal. Et voilà comment la lutte entre l’Église et la Révolution, entre le privilège et la loi, se continue, même après la mort.

Il paraît qu’à Auteuil, on a fait des trouvailles analogues à celles de Picpus : croix en fer forçant les victimes à tenir les bras étendus, des haillons de forte toile qu’on nouait derrière la tête au moyen de courroies de cuir ; des disciplines en fouet tressé et fil de fer, la plupart ensanglantées, dans l’une desquelles une résille encore enchevêtrée, et, dans la bibliothèque, des livres immondes.

Le colonel de la 13e légion et le gouverneur du fort de Bicêtre ont arrêté les Dominicains et plusieurs personnages