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journal de la commune

qui se croisaient sur le Champ de Mars sont tombées et restées évanouies ou paralysées pendant une demi-heure. Des chevaux se sont abattus et relevés pour retomber encore.

Environ cent cinquante baraquements ont été détruits, mis en pièces ou démolis. Néanmoins tous les hangars de la cartoucherie n’ont pas été atteints, le désastre n’a pas été complet ; mais la dévastation est énorme, inimaginable, c’est une de ces choses qu’on regarde et qu’on analyse tout comme on examine quand on est la proie d’un cauchemar ou d’une hallucination funeste.

Combien ont péri ? C’est ce qu’on ne sait pas, ce qu’on ne saura jamais.

D’un poste de gardes nationaux, on n’a pu retrouver la moindre trace. Si pour une cause qui restera un mystère, des centaines d’ouvrières qui travaillaient à la capsulerie n’avaient été congédiées une demi-heure avant l’heure ordinaire de sortie, heure de l’explosion, le malheur eût été plus affreux encore. On évalue généralement le nombre des morts à une centaine.

— Et la cause ? la cause ?

M’est avis que c’est un accident. Mais le peuple y veut voir une trahison. Il dit que les religieuses du Gros Caillou ont été prévenues, ainsi que telles et telles personnes. Il rappelle qu’hier une petite poudrière a éclaté à peu près dans les mêmes circonstances à Clignancourt ; il y a quatre ou cinq jours une autre près de la Bièvre. Les explosions ont lieu dans les derniers huit jours demandé par M. Thiers à l’Assemblée de Versailles pour réduire Paris et le forcer à se rendre sans conditions.

Quoi qu’il en soit la garde nationale est furieuse, la population, exaspérée, crie vengeance. Encore une ou deux journées de ce genre, et les massacres de septembre redeviennent possibles.

Si ces explosions ne sont pas le fait d’accidents et sont réellement des moyens psychologiques employés par M. Thiers, M. Thiers joue un jeu bien dangereux. Loin de baisser la tête, le peuple la relève avec fureur.

Le Mot d’Ordre de Rochefort, dépassé, dépaysé, démoralisé depuis longtemps, n’est qu’un faible écho de l’indignation des masses quand il s’écrie :