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journal de la commune

je n’ai vu rien d’aussi beau que ces compagnies allant au feu, hommes et vieillards, jeunes gens qui, hier, n’étaient que des garçons, recueillis et résolus, ils suivent la flamme du drapeau rouge, ils se taisent ou parlent peu, mais les cuivres stridents et sonores emplissent les airs du Chant du Départ, hymne sacré :

La République vous appelle !

Ô peuple de Paris, combien je t’aime !

De plus en plus nombreuses, les femmes les accompagnent pour soigner les blessés, étancher les dernières soifs, écouter les derniers messages, ou même pour se servir du fusil qu’abandonnent des mains défaillantes. Rien de théâtral, rien de pittoresque dans ces courages. Il ne s’agit plus des Amazones de la Seine, costumées par M. Félix Belly, avec des pantalons amaranthe et force plumes et rubans et des joujoux tromblons. Quelques bourgeoises vont en robe de laine noire, les femmes du peuple avec leurs vêtements de tous les jours, comme cela se trouve, personne n’y fait attention, et c’est ce qu’il faut.

Des faits comme ceux racontés il y a quelque temps par le Droit, sont maintenant d’occurrence quotidienne :

« Plusieurs femmes ont été tuées ou blessées à l’affaire de Neuilly. On a vu une cantinière qui, frappée à la tête, a fait panser sa blessure et est revenue prendre son poste de combat. Dans les rangs du 61e bataillon combattait une femme énergique. Elle a tué plusieurs gendarmes et sergents de ville.

« Au plateau de Chatillon, une cantinière, restée avec un groupe de gardes nationaux, chargeait son fusil, tirait, rechargeait sans interruption, elle se retira presque la dernière, se retournant à chaque instant pour faire le coup de feu.

«…Parmi les plus intrépides de ces héroïnes, on compte la femme de l’un des généraux de la Commune, la citoyenne Eudes… »

Tous les amis de l’ancien rédacteur de la Libre-Pensée savent le gai bon sens, l’ardente sincérité, le tranquille dévouement, la stoïque résolution de cette femme noble entre toutes. Quand Eudes fut condamné à mort, dans les