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journal de la commune

pour marcher à l’ennemi. Ces hommes devaient être remis à 11 h. et demie. Il est 1 h. et ils ne sont pas prêts. Au lieu d’être 12 000, ils sont environ 7 000. Ce n’est pas du tout la même chose.

« Je ne suis pas homme à reculer devant la répression, et hier, pendant que les chefs de légion discutaient, le peloton d’exécution les attendait dans la cour. Mais je ne veux pas prendre seul l’initiative d’une mesure énergique, endosser seul l’odieux des exécutions qu’il faudrait faire pour tirer de ce chaos l’organisation, l’obéissance et la victoire…

« Encore, si j’étais protégé par la publicité de mes actes et de mon impuissance, je pourrais conserver mon mandat. Mais la Commune n’a pas eu le courage d’affronter la publicité. Deux fois déjà, malgré moi, vous avez voulu avoir le comité secret.

« Mon prédécesseur Cluseret a eu le tort de se débattre au milieu de cette situation absurde. Éclairé par son exemple, j’ai deux lignes à choisir : briser l’obstacle ou me retirer.

« Je ne briserai pas l’obstacle, car l’obstacle, c’est vous et votre faiblesse. Je ne veux pas attenter à la souveraineté.

« Je me retire, et j’ai l’honneur de vous demander une cellule à Mazas. »

Cette cellule, ses collègues se hâtèrent de la lui accorder, en le renvoyant devant une cour martiale. Mais, comme Rossel, se ravisant, ne se hâtait pas de se présenter au guichet de Mazas, le Comité de Salut public l’envoya quérir par son ami Gérardin. Le plaisant de la chose, c’est que Gérardin alla tout aussitôt prendre Rossel à son domicile, et bras dessus bras dessous, profitant de leur laissez-passer, ils s’échappèrent par une porte de Paris, sans laisser de leurs nouvelles.

On a naturellement prononcé le mot de trahison. Rossel et Gérardin se seraient enfuis à Versailles. L’accusation est absurde, il suffit de lire la lettre qui précède pour savoir de science certaine ce que nous ne soupçonnions que trop : le conflit de pouvoirs, les rivalités entre le Comité de Salut public, le Comité central, la majorité et les minorités de la Commune. Dans ce désordre et ce gâchis, pas besoin de trahison, certes, pour que notre Révolution tombe, s’effondre