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journal de la commune

d’ordre avait été donné de voter partout pour les listes dites de conciliation, parce qu’elles excluaient soigneusement tous les républicains et offraient un méli-mélo de monarchistes de toute espèce, henriquinquistes et orléanistes, cléricaux et libéraux, agréablement variés de bonapartistes plus ou moins déguisés. Les « bons » monarchistes ont été évincés, les « mauvais » républicains ont eu l’avantage. Et cependant, nous sommes en République !

Comme toujours on a observé que, plus le village était petit, plus la population était ignorante, plus il y avait lieu d’être satisfait des choix généralement monarchistes, dirigés qu’ils étaient par le curé, le gros propriétaire, et plus la ville était populeuse et éclairée, plus elle faisait de déplorables choix. Parmi les villes importantes, il n’est guère que Nîmes, dominée par son fougueux évêque d’Alzon, qui ait mérité les éloges du parti de l’Ordre.

Paris est dans la joie. Après sa votation de février qui nous avait livrés à cette ignoble Assemblée, la province vient enfin de s’affirmer républicaine. Implantée dans les villes, la République conquerra fatalement les campagnes.

Jeudi 4 mai.

Les défaites sont douloureuses, les trahisons écœurantes ou irritantes. Cette nuit une redoute très importante, celle du Moulin Saquet, près Choisy, a été livrée par la complicité de son commandant qui, dit-on, a été porter lui-même le mot d’ordre à la colonne d’attaque ennemie. Les factionnaires, surpris, ont laissé passer les Versaillais qui se sont rués sur les dormeurs, les ont lardés de coups de baïonnette autant qu’ils ont pu. La garnison, croyant avoir affaire à des forces très supérieures, n’opposa qu’une faible résistance. Brusquement réveillés, le plus grand nombre se sauva en criant à la trahison. Les assaillants, qui avaient amené des équipages de trait enlevèrent huit canons et se retirèrent en toute hâte avant que le retour offensif des Parisiens eût commencé. La retraite se fit avec une telle précipitation que deux des canons enlevés ayant versé dans un fossé y furent abandonnés, tant on était pressé de mettre en sûreté les six autres. Bientôt l’artillerie fédérée des forts de Bicêtre et d’Ivry se mit à bombarder furieusement la redoute, mais