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journal de la commune

de leur crime que de condescendre seulement à écouter leurs prétendus griefs. Notez que ce journal, le Doctrinaire des libéraux de la génération nouvelle, un Débats né d’hier, est déjà sénile presqu’autant que son grand père, notez que le Temps a toujours vécu sur l’idée anglaise que la politique est une série de transactions incessantes entre les Tories et les Whigs. Mais quand des Radicaux font leur apparition, il paraît que les Whigs et Tories ne doivent raisonner avec les radicaux qu’à coups-de-crosse. Le Temps ne renie pas pour cela son enseignement ; au contraire, il disserte plus savamment que jamais sur le devoir sacré de la tolérance. Mais ces Communeux déraisonnables, ces insurgés furieux, la méconnaissent, cette tolérance… Ils manquent de confiance dans la liberté, ils ne croient pas à l’action de l’esprit sur l’esprit, à l’effet de la discussion et à la puissance du vrai, ils n’ont pas la patience d’attendre qu’une question fasse son chemin par la propagande intellectuelle. Ils n’admettent pas les droits d’autrui, ne font point la part de l’adversaire. Tout dissident est pour le Français en général, et pour le révolutionnaire socialiste en particulier, un ennemi qu’il s’agit de déshonorer ou de détruire, d’écraser s’il est possible, d’insulter si on ne peut l’écraser. Ils ne connaissent qu’une ressource, la force, qu’un moyen de progrès, la Révolution. Ils ont idéalisé ce mot de Révolution, ils en sont enivrés, ils en ont fait le synonyme de Justice et de Liberté ; ils y ont attaché les souvenirs héroïques de la nation, si bien qu’aujourd’hui ce mot répond à tout, justifie tout, si bien que la Révolution, se dévorant elle-même comme le Dieu de la fable, sacrifie toutes ses conquêtes à un besoin maladif de destruction, et, après avoir poursuivi pendant tant d’années le suffrage universel comme le dernier mot de la souveraineté populaire, travaille à le noyer dans le sang… Donc, noyons nous-même les révolutionnaires dans leur sang. Et, puisqu’ils transgressent le saint devoir de la tolérance, ce sont des criminels, et traitons-les en criminels. Étouffons la voix de leurs messagers à coups de canons, à coups de sabre celle de leurs orateurs. Faisons-leur ravaler leurs discours. Ils sont à Paris deux cent cinquante mille ayant voté le 26 mars aux élections de la Commune, ils ont une autre théorie que nous sur les rapports à établir entre le pouvoir central et les