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journal de la commune

n’avait-il pas osé demander s’il était vrai que les Versaillais fusillaient des prisonniers, et n’avait-il pas osé encore — lui, l’otage saisi pour être fusillé en représailles, n’avait-il pas adjuré M Thiers d’y mettre de la modération ?

« M. le Président, hier, après un interrogatoire que j’ai subi à Mazas, les personnes qui m’interrogeaient m’ont assuré que des actes barbares avaient été commis contre des gardes nationaux : on aurait fusillé les prisonniers et achevé les blessés sur le champ de bataille…[1] J’appelle votre attention sur un fait aussi grave, qui peut-être ne vous est pas connu, et je vous prie instamment de voir ce qu’il y aurait à faire dans des conjonctures si douloureuses… Si une enquête forçait à dire qu’en effet d’atroces excès ont ajouté à l’horreur de nos discordes fratricides, ils ne seraient certainement que le résultat d’emportements particuliers et individuels. Néanmoins il est possible peut-être d’en prévenir le retour. J’ai pensé que vous pouvez peut être plus que personne prendre à ce sujet des mesures efficaces… Je vous en conjure donc, M. le Président, usez à ce sujet de votre ascendant pour amener promptement la fin de notre guerre civile, et, en tout cas, pour en adoucir le caractère, autant que cela peut dépendre de vous ».

Croirait-on qu’une lettre aussi raisonnable a mis en rage le dévot Univers qui a prétendu qu’une lettre aussi lâche, aussi mensongère n’avait pu être écrite par un prêtre catholique, qu’elle était apocryphe ou signée sous l’influence d’un narcotique.

M. Thiers prit sa belle plume et répondit le 14 avril aux deux lettres :

« Monseigneur,

J’ai reçu la lettre que M. le curé de Montmartre m’a remise de votre part, et je me hâte de vous répondre avec la sincérité de laquelle je ne m’écarterai jamais.

Les faits sur lesquels vous appelez mon attention sont absolument faux, et je suis véritablement surpris qu’un prélat aussi éclairé que vous, monseigneur, ait admis un

  1. Les soldats de Vinoy et de Galliffet ont agi comme il leur a plu. Quant au Dr  Ricord, il recommandait aux chirurgiens versaillais de ne pas s’encombrer de blessés.