Page:Reclus - La Commune de Paris au jour le jour.djvu/199

Cette page a été validée par deux contributeurs.
189
journal de la commune

M. Lagarde partit pour Versailles d’un pas léger. Avant qu’il ne prît place dans le train, l’ami de Blanqui lui fit renouveler la parole donnée : « Ne partez pas si vous n’avez l’intention de revenir. » Lagarde jura de nouveau et arriva sain et sauf auprès de M. Thiers auquel il remit la lettre de Darboy datée du 12 avril dont voici un extrait : « Monsieur le Président… Un homme influent à Paris, ami de M. Blanqui, a proposé de lui-même aux commissaires que cela concerne cet arrangement : — si M. Blanqui est mis en liberté, l’archevêque de Paris sera rendu à la liberté avec sa sœur, M. le président Bonjean, M. Deguerry, curé de la Madeleine et M. Lagarde, vicaire général de Paris, celui-là même qui vous remettra la présente lettre. La proposition a été agréée par la Commune, et c’est en cet état qu’on me demande de l’appuyer près de vous. Quoique je sois en jeu dans cette affaire, j’ose la recommander à votre haute bienveillance, mes motifs vous paraîtront plausibles, je l’espère.

Il n’y a déjà que trop de causes de dissentiment et d’aigreur parmi nous. Puisqu’une occasion se présente de faire une transaction qui ne regarde que les personnes, non les principes, ne serait-il pas sage d’y donner les mains et de contribuer à l’apaisement des esprits ? Dans les crises aiguës comme celle que nous traversons, des exécutions par l’émeute, quand elles ne toucheraient que deux ou trois personnes, ajoutent à la terreur des uns, à la colère des autres et aggravent la situation. Permettez-moi de vous dire que cette question d’humanité mérite de fixer votre attention ».

Pour un prêtre, pour un fin connaisseur des personnages et des situations politiques comme devait l’être un archevêque de Paris, monseigneur Darboy s’est blousé. Au petit Thiers, le grand général en chef de la grande armée de l’Ordre contre la horde des pillards, des bandits et des assassins, parler d’humanité, de conciliation et de transaction ! Mais un franc maçon, mais un délégué de la Ligue Républicaine n’en eût pas autrement parlé… Si M. Lagarde n’a pas été chargé de messages confidentiels d’une autre teneur, l’archevêque sera bel et bien taxé de naïveté. M. Thiers avait déjà sur le cœur une autre lettre du candide archevêque, datée de la prison de Mazas. M. Darboy