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journal de la commune

nommé dans vingt-quatre départements pour consolider la République. Il a été nommé pour préparer la monarchie. »

La droite, décidée à congédier M. Thiers dès qu’elle le pourra, entend lui laisser la conduite de la guerre, lui faire tuer le plus grand nombre de républicains et révolutionnaires que faire se pourra, puis le mettre à la porte du pouvoir, dès qu’il aura ouvert celle de Paris. Pour le punir d’avoir dit : « la République subsistera tant que j’en serai le Président », la droite compte le renverser même avant la République sa protégée. C’est Changarnier qu’elle mettra comme Président de l’Exécutif au lieu et place de M. Thiers.

Et voilà l’explication de l’énigme. Thiers a voulu amadouer son rival, le désarmer, se l’attacher par un grand ruban rouge Mais Changarnier n’accepte point l’état d’infériorité que lui donnerait la reconnaissance. D’une voix hargneuse et d’un geste brutal, il rejette le ruban au nez de son adversaire : « Donné par toi, cet insigne de l’honneur me déshonorerait. Garde-le. »

Mais que vous importent Géronte et le vieil Oronte criaillant et se chamaillant en public ? Que nous valent Bartholo et Pandolphe s’empoignant l’un l’autre par la perruque et le toupet ? — Peu vraiment, pour ce qui concerne leurs personnes, mais ces deux casse-noisettes sont chefs de parti et leur ridicule esclandre est la révélation soudaine de complots souterrains, de machinations nocturnes, d’innombrables perfidies qui se concertent dans ces vieilles cervelles de l’Assemblée, pommes choppes, poires et nèfles blettes.

Comme en 1848-51, il s’agit encore de se partager les dépouilles de la République, dès qu’elle aura été assassinée. En ce temps-là, Thiers était l’Ajax du parti libéral-orléaniste, et Changarnier, le Diomède de la coterie orléanisto-légitimiste cléricale, dite de la fusion. L’armée était alors travaillée par un bonapartiste, la police était tenue par un bonapartiste. Aujourd’hui, l’armée est encore commandée par des bonapartistes, Vinoy, Galliffet et Mac-Mahon, la police est toujours tenue par un bonapartiste, le colonel Valentin, cher à l’Impératrice. Thiers et Changarnier sont toujours un Ajax et un Diomède, mais leurs épaules sont chargées maintenant du poids de vingt-deux hivers dont