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journal de la commune

Pour les 750 sages de l’Assemblée, retirés à l’abri des fureurs de la guerre civile, car M. Thiers leur a formellement interdit toute ingérence militaire, pour ces législateurs qui, entre leurs dîners et leurs séances, pourraient n’avoir d’autre souci que de muser autour du bassin de Neptune ou d’épier les progrès de la frondaison nouvelle dans les bosquets de Trianon, c’était le cas d’élaborer pendant ces quinze journées une loi sage, intelligente, conciliatrice, qui eût rendu absurde la continuation de la guerre, qui eût satisfait aux justes exigences, qui eût émancipé Paris, le grand Paris, en laissant au besoin sous une demi-tutelle protectrice les pauvres communes plébiscitaires, ignorantes, indigentes et sottes. Bon gré mal gré, il faut que les parents laissent enfin vaguer à leur aise les fils majeurs, les grands garçons âgés de plus de vingt et un ans, bon gré mal gré, il faut que les curateurs présentent leurs comptes et abandonnent aux pupilles devenus hommes la gestion de leur patrimoine. L’Assemblée de Versailles, élaborant par impossible une loi raisonnable et équitable, eût fait pour la pacification de Paris davantage et mieux que cinq cents canons et cinquante mille hommes de plus sous les ordres de M. Thiers.

Jour après jour, l’Assemblée discutait son projet et a fini par accoucher d’une loi, plus mauvaise encore que l’ancienne, et qui a ceci de particulier qu’elle a été conçue juste au rebours de ce qu’elle eût dû être. Il n’en pouvait advenir autrement. Pendant que l’Assemblée élaborait sa loi, elle y déposait soigneusement ses pensées de haine et de défiance ; ayant à légiférer sur l’organisation administrative de Lyon, de Paris, de Toulouse et de Marseille, dont elle ne peut entendre les noms sans des frémissements de colère, elle ne songeait qu’à une chose, être désagréable à ces méchantes grandes villes ; loin de vouloir leur accorder une liberté raisonnable, elle n’a pensé qu’à mettre à ces dangereuses révolutionnaires une camisole de force plus solide encore que la précédente et plus ingénieusement combinée pour contrarier leurs mouvements.

Les projets les plus cocasses ont été mis en avant contre Paris ; s’ils ont été abandonnés, ce n’est pas qu’ils fussent extravagants, c’est qu’ils menaçaient de tourner contre leur but. En définitive, on a trouvé plus simple d’aban-