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journal de la commune

avec dégoût s’il s’agissait de guerre offensive. On peut dire de cette façon que la guerre défensive comporte encore plus de cruauté que l’offensive. Ainsi j’entends des hommes honnêtes, modérés, vertueux discuter froidement les moyens d’asperger de pétrole brûlant les bandes versaillaises qui se rueraient à l’assaut de Paris. Même thèse se soutenait contre les Prussiens, lors du premier siège : « Pour sauver ma vie, j’ai le droit de te brûler vif. Si tu ne veux pas être brûlé, va-t-en ! » Oui, c’est ainsi qu’on raisonne entre deux aspirations vers la fraternité universelle que rendent plus ardentes les angoisses du moment. Est-on absurde, est-on hideux ou sublime ?

Le décret de la Commune ordonnant la capture d’individus soupçonnés de complicité avec Versailles, leur interrogatoire par un jury d’accusation, leur détention, le cas échéant, comme otages, et leur exécution possible comme représailles aux fusillades Thiers-Vinoy-Galliffet nous avait extrêmement émus. Horrible ou non, nécessaire ou non, cette menace de retaliation semble avoir produit son effet à Versailles. On n’exécute plus nos gardes nationaux, Paris n’a donc pas de représailles à exercer. La loi signée Cluseret, instituant le service obligatoire, rentre dans le même ordre d’idées que celle relative aux otages et représailles, elle soulève les mêmes questions de moralité, c’est au fond la même immoralité et, cependant, inconséquence ou non, je la trouve légitime.

Un premier décret, daté 5 avril, enrôlait forcément dans la compagnie tous les célibataires âgés de 17 à 35 ans. Le service n’est plus que facultatif de 17 à 19 ans, mais de 19 à 40 ans il est obligatoire pour les gardes nationaux, mariés ou non, les exemptions de service de la garde nationale sont nombreuses, excessivement nombreuses (cochers de fiacre, d’omnibus, employés d’administrations municipales et d’intérêt public) ; cependant, officiellement, tout citoyen est censé faire partie de la garde nationale.

Le décret Cluseret soulève de vives protestations, il ne pouvait en être autrement : ils sont nombreux ceux qui pensent avoir mieux à faire dans leur propre intérêt que de servir dans les rangs de la garde nationale, nombreux ceux qui ne se soucient pas des fatigues de marches et de con-