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journal de la commune

naissons. On savait que les gardes nationaux de Belleville et de Montmartre refusaient de rendre au dépôt commun les canons, désormais inutiles, qui avaient été, pendant le siège, offerts par souscription au gouvernement de la défense.

« Le public ne comprenait rien à cet entêtement déraisonnable. Il était tenté d’y voir un enfantillage, quelque chose comme une manière intempestive de jouer au soldat.

« Cependant la colline de Montmartre se garnissait de ces canons, sur lesquels veillaient des sentinelles exactement relevées, qui, arguant d’une sévère consigne, barraient le passage aux curieux et interdisaient la circulation dans les rues avoisinantes. Un quartier tout entier se trouva peu à peu par l’effet d’une sorte de séquestration, séparé du reste de la capitale.

« On comprit alors pourquoi, à la veille de l’entrée des Prussiens dans les Champs-Élysées, les habitants du faubourg de Belleville avaient barricadé leurs rues, où ils savaient pourtant que les Prussiens ne devaient pas venir. On vit le lien qui unissait tous ces faits. Presqu’en même temps, on apprit qu’un comité s’était constitué par voie d’élection, qui avait sous ses ordres un certain nombre de bataillons de la garde nationale. On lut sur les murs, non sans stupéfaction, les proclamations de ce comité, qui, en se donnant lui-même le nom de fédération, démasquait ses visées, et il apparat aux moins clairvoyants qu’il s’était organisé à Paris, d’une façon occulte, un gouvernement révolutionnaire qui prétendait tenir tête au gouvernement légal et national.

« Cette sorte d’émeute en permanence pesait sur la cité comme une menace. Elle empêchait tout, retardait tout, suspendait tout. Elle paralysait l’action bienfaisante de la paix. Elle était devenue comme le point fixe qui attirait tous les regards.

« Après avoir laissé aux cessionnistes le temps de réfléchir et de se soumettre, le gouvernement, cédant aux exigences de l’opinion publique, crut devoir en finir avec cette énigme.

« On sait ce qui s’en suivit, et comment échoua un plan qui avait été conçu en vue de rendre à Paris la paix avec la sécurité, et d’éviter la guerre civile.