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journal de la commune

ils ne voulaient point de parlementage, ils se souciaient encore moins d’un appel quelconque au jugement populaire. À Marseille, comme à Versailles, comme sur tous les points de la France, la coalition des réactionnaires, tous les monarchistes, libéraux et cléricaux combinés, exploitèrent à outrance l’heureux coup du sort qui leur a donné à l’Assemblée une écrasante majorité d’orléanistes et de légitimistes, ils veulent que, par cet acte non moins stupide que celui du plébicite, les suffrages universels se soient suicidés, et, jouant double jeu, ils imputent à la République les désastres d’une terrible guerre dont elle n’est pourtant point responsable et, au nom de la République, ils réclament un respect fétichiste pour M. Thiers, l’homme de la rue de Poitiers, et pour une Assemblée qui poursuit la République d’une haine féroce.

Il est probable que la Commission départementale provisoire n’avait pas prévu que le mouvement prendrait de pareilles proportions ; en tous cas, ceux de ses membres qui avaient appartenu à l’ancienne administration disparurent nuitamment et se réfugièrent à bord d’une frégate dans le port, craignant peut-être d’être arrêtés comme le furent l’ancien préfet, quelques procureurs et autres meneurs de la réaction. À la Commission arriva un renfort : cent à cent cinquante garibaldiens d’Italie, un membre de la Commune de Paris qui assuma la haute direction, le citoyen Landeck, et un simple soldat qui prit sur lui d’être « le général de la situation ». On aurait eu grand besoin d’un général en effet pour l’opposer au délégué de M. Thiers, Espivent, qui arrivait à la tête de 30 à 40 000 hommes.

Dans la nuit du 4 au 5, la ville fut mise en émoi par les tambours battant la générale, par les cloches sonnant le tocsin ; les soldats d’Espivent étaient déjà dans la gare et débordaient dans les rues, occupant divers points stratégiques ; ils furent tout aussitôt rejoints par certains bataillons réactionnaires qui les attendaient et qui, certainement, contribuèrent puisamment à frustrer l’attente des Communeux de Marseille qui avaient espéré jusqu’au dernier moment que la troupe lèverait la crosse en l’air et ne voudrait pas intervenir dans la guerre civile. Ils ne se trompaient pas complètement, car on nous apprend que 200 soldats, ayant refusé de faire feu, vont être envoyés en Algérie