Page:Reclus - L’Homme et la Terre, tome 2, Librairie Universelle, 1905.djvu/96

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
88
l’homme et la terre. — palestine

atteignait à peine 300 kilomètres dans sa plus grande dimension. Salomon dut sa gloire et sa richesse au seul fait qu’habile dans l’art d’exploiter les monopoles, il sut se faire accepter comme associé d’Hiram, roi des trafiquants phéniciens[1].

De même que les cités du littoral phénicien durent à leur position médiaire entre les deux États prépondérants leur importance comme véhicules de richesses, d’industries et d’idées, de même les villes de l’intérieur où s’élaboraient plus lentement les cultes religieux : devinrent dans le monde les agents principaux pour la transmission de croyances dans lesquelles s’entremêlaient les légendes et les dogmes de Babylone, de Memphis et de Thèbes.

Maints historiens qui, avec raison, tiennent grand compte de l’influence du milieu sur les esprits ont voulu expliquer la naissance du monothéisme chez les Sémites, méridionaux, Juifs et Arabes, par la seule influence du climat local ; mais leurs raisonnements, contenant une large part de vérité, sont beaucoup trop « simplistes ». Les grandes évolutions historiques offrent une complexité très riche dans l’ensemble des causés qui les déterminent ; l’action du temps s’ajoute à celle de l’espace. Dans les contrées voisines du désert aux sites augustes et terribles, la simplicité majestueuse de la nature devait, disait-on, influencer puissamment l’imagination de l’homme et lui donner une conception correspondante de la divinité. Le cercle d’horizon dans son immensité n’enferme que des étendues partout semblables les unes aux autres, des rochers et des sables grisâtres, quelques arbres au maigre feuillage, des mirages lointains ; et par-dessus la vaste rondeur du sol aux lignes précises s’arrondit la voûte du ciel, grise dans la partie basse du pourtour, d’un bleu dur au zénith.

Cette description est pourtant loin de convenir à toutes les contrées habitées par les Sémites ; surtout elle ne s’applique pas à la Palestine, la terre sur laquelle les Juifs vécurent pendant quinze siècles et où leur religion prit son caractère définitif. Les Bédouins errants qui parcourent les solitudes de l’intérieur, à l’est du Jourdain, sont précisément les moins religieux des Sémites : ils ont reçu des croyances faites, étrangères à toute espèce de fanatisme ou de propagande. On peut dire

  1. Elie Reclus, note manuscrite.