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l’homme et la terre. — palestine

d’une antique domination des Babyloniens, qui l’avaient consacrée à l’un de leurs dieux nationaux.

Lorsque David, l’heureux capitaine de bandes qui devint roi, installa sa résidence à Jérusalem, il était évidemment dirigé par des considérations stratégiques. Soldat, il devait habiter une citadelle, et non l’une de ces villes ouvertes près desquelles venaient camper les marchands. Or, Jérusalem occupe une position très forte. Située exactement sur l’arête qui constitue l’aigueverse entre la Méditerranée et la mer Morte, elle domine toute la contrée, s’élevant comme une tour de guet au-dessus du grand quadrilatère compris entre l’Egypte et la vallée d’Esdraelon. A l’ouest, au sud, à l’est, le sol se creuse brusquement en ravins profonds, dont les parois, maintenant usées par le temps, étaient autrefois d’une escalade difficile ; seulement au nord-ouest, un isthme de rochers, barré par des ouvrages de défense, rattachait la falaise au reste du plateau. Nulle position ne pouvait être mieux choisie pour y grouper des forces contre les Philistins qui occupaient des villes murées du littoral et avaient fréquemment battu les Juifs dans les pays accidentés de la région intermédiaire. Il était naturel que la capitale se dressât dans le voisinage des peuples à combattre. C’est ainsi que les choses se passent dans tout corps organisé, animal, plante ou groupe d’individus : le centre de résistance se porte au-devant des forces qu’il s’agit de neutraliser ou de détruire.

Sous l’influence de raisons analogues à celles qui avaient déterminé le choix de Jérusalem, les tribus d’Israël placèrent leurs communes capitales successives, Sichem (Mabartha, Neapolis ou Naplouse), Tirzah, Samarie (Sebaste), vers l’extrémité méridionale du pays, en face de Jérusalem, leur rivale et souvent leur ennemie. Dans les deux fragments du royaume brisé après la mort de Salomon, les capitales s’affrontent, excentriques l’une et l’autre à leur propre territoire, De même que sa ville forte, Jérusalem, le pays de Juda dans son entier était stratégiquement très bien protégé contre l’ennemi. Massif montueux de pénible escalade, défendu par des pentes rocheuses, où les approvisionnements des assaillants eussent été difficiles, il formait une forteresse naturelle que les armées conquérantes, se dirigeant vers Damas ou l’Egypte, évitaient volontiers. La Judée était en outre complètement garantie sur sa façade orientale par l’abrupt fossé au