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l’homme et la terre. — palestine

Un galgal, rustique autel de pierre, amoncellement de blocs érigés au milieu de la plaine, fut le lieu d’appel où les diverses tribus venaient renouer de temps en temps le lien de la cohésion nationale et reprendre le sentiment de leur unité. C’est ainsi que naquit Jéricho, première ville qui s’éleva en Cis-Jordanie, aujourd’hui El-Riha, pauvre village d’une soixantaine de familles. Lorsque les Juifs se furent plus solidement assis dans la contrée et que la vie économique eut pris plus d’intensité, un nouveau centre de gravité s’établit, et parmi les douze familles israélites l’habitude prévalut de se réunir, lors des fêtes et des marchés, sur les confins des deux tribus méridionales de Juda et de Benjamin.

Sur ce terrain neutre entre les Joséphites du nord et les Juifs ou Judéens proprement dits du sud, s’éleva Beth-El, c’est-à-dire la « maison de Dieu », pyramide à degrés, comparable à celles que dressaient les Babyloniens dans leurs grandes cités du Tigre et de l’Euphrate, mais de bien plus humbles dimensions[1]. Plus tard le centre du mouvement politique se déplaça quelque peu vers le nord, par suite des incursions philistines, et les tribus se réunirent dans un autre champ de foire et de prière, moins exposé au danger. C’est alors que Siloh, la moderne Seilum, devint une sorte de capitale religieuse, d’ailleurs beaucoup mieux placée que tout autre lieu de la Palestine comme foyer naturel de l’ensemble des Beni-Israël.

Pendant une période indéfinie d’au moins trois siècles, la confédération des tribus Israélites vécut ainsi, n’ayant point de capitale officielle, mais gardant la conscience de sa parenté, bien que peu à peu un certain antagonisme se produisît entre le groupe de Juda et celui d’Israël ou des Joséphites : jusque dans l’exil la suture resta imparfaite entre les Beni-Yakob et les Beni-Yusef. Cette division latente devait prendre un caractère plus aigu, précisément à l’époque où la puissance militaire de la confédération se déplaça au profit d’une seule des douze tribus et lui assura la domination violente. Le lieu des réunions perdit alors le caractère de neutralité que lui avait donné sa situation médiaire entre les deux groupes de tribus et fut transféré vers le sud, en plein territoire de Juda, en un emplacement qui avait sans doute conservé un certain renom de

  1. Ernest Renan, Histoire du Peuple d’Israël.