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l’homme et la terre. — palestine

dans le désert attribué à de continuels miracles le jaillissement des eaux et l’apparition de la nourriture nécessaire au peuplement errant. Il est donc impossible d’ajouter foi à la légende qui, prenant corps douze ou treize cents ans plus tard, nous montre les enfants d’Israël cheminant en masse et pendant des années à travers les solitudes du désert de Sinaï. Devenus agriculteurs en Égypte, et se rappelant les « potées de viande » et mangeries[1] comment auraient-ils pu s’accommoder pendant « quarante années » de l’âpre existence des « croqueurs de sauterelles » ?

Ce qu’il faut retenir des traditions juives, c’est qu’elles rattachent des éléments divers mais d’importance égale dans l’ensemble des origines de la nation. Parmi leurs ancêtres, les Juifs ont donné la première place à ceux qui participèrent à la culture de l’Égypte, mais ils se remémorent aussi les familles patriarcales errant dans les pâturages, et les maigres Bédouins, frères des Amalécites[2], qui cherchaient l’ombre dans le creux des rochers et fouillaient le sol des ouâdi pour y découvrir un peu d’eau. L’histoire du séjour dans la presqu’île sinaïque n’est qu’un épisode amplifié du déplacement des tribus arabes qui, venant des différents quartiers de l’horizon, se réunirent finalement à l’ouest du Jourdain.

Pendant les mauvais jours, les tribus qui s’étaient enfuies d’Égypte, et qui probablement s’étaient cantonnées dans les contrées voisines de la vallée jordanienne en s’alliant à des peuplades du désert, se consolaient en pensant à la conquête prochaine des contrées fertiles qui bordent la Méditerranée. Leur ambition ne put se réaliser complètement : les Hébreux ne conquirent point la terre de Canaan.

Sans doute Le nom de Canaan a fini par s’appliquer historiquement aux contrées élevées qui séparent le littoral syrien des monts voisins du désert ; mais la signification précise de cette appellation, « Terres Basses», opposée à celle d’Aram, « Terres Hautes »[3], ne permet pas de douter qu’elle se rapportât d’abord aux campagnes riveraines de la mer. Les Israélites à la recherché de la « Terre Promise » parlent sans cesse de campagnes « découlant de lait et de miel » comme devant leur échoir un jour, Ils n’atteignirent point

  1. Exode, chap. XVI, v. 3.
  2. Sayce, Patriarchal Palestine, p. 26.
  3. Movers, Die Phœnizier, p. i.