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l’homme et la terre. — palestine

base aient cru voir des dieux apparaître sur les sommets rayonnants.

Deux mille années avant le passage des Juifs, le Sinaï, dans la région d’influence égyptienne, était consacré à une divinité lunaire[1] ; les descriptions de l’Exode le font se dresser dans le ciel comme habité par le dieu de la Foudre, et de tout temps des anachorètes, fuyant le monde, vinrent se blottir aux pieds de ses escarpements. Malgré le caractère formidable de la péninsule Sinaïque, cette contrée presque inhabitable était restée depuis un temps immémorial dans le cercle d’attraction des nations voisines, grâce à ses gisements de cuivre, pourtant relativement pauvres mais renfermant de précieuses turquoises et d’autres cristaux. Il y a près de sept mille années que l’on commença d’exploiter ces mines, abandonnées depuis vingt siècles au moins[2]. Un des anciens documents que possèdent les savants relativement à l’histoire égyptienne des premiers âges est une stèle du roi Sosiris (Snefru), de la quatrième dynastie, que l’explorateur Benedite a découverte dans un oued de la péninsule Sinaïque[3].

Les inscriptions hiéroglyphiques se continuent de siècle en siècle depuis les âges reculés jusqu’à l’époque où les Hébreux s’enfuirent de la terre d’Egypte[4] et n’ont point cessé de se produire depuis lors : les pèlerins de l’Afrique septentrionale ont à doubler les deux golfes de Suez et d’Akabah pour se rendre à la Mecque. Une certaine vallée, voisine du golfe de Suez, a reçu le nom de Oued Mokatteb ou « Ravin de l’Ecriture » d’après les innombrables gravures et dessins que les passants ont laissés sur les parois de rochers tournées vers le nord, c’est-à-dire baignées dans l’ombre ; on eût souvent risqué la mort en taillant des lettres sur les roches éblouissantes frappées en plein par le soleil. Cette multitude d’inscriptions pressées dans l’espace étroit d’un seul ravin pourrait s’expliquer en admettant que ce lieu avait été désigné comme champ de foire aux marchands étrangers par les tribus de la Péninsule[5].

Peut-être le climat du Sinaï était-il plus humide à ces époques anciennes et les voyageurs trouvaient-ils dans les vallées plus d’eau et de végétation qu’il n’en existe de nos jours ; toutefois, les descriptions

  1. Sayce, Patriarchal Palestine, p. 59.
  2. Berthelot, Revue scientifique, 1896, ii, p. 278.
  3. Bonola, Bulletin de la Société khédiviale de Géographie, 1896, n° 10.
  4. Lepsius, Denkmäler aus Ægypten und Æthiopien.
  5. Palmer, The Desert of the Exodus.