Page:Reclus - L’Homme et la Terre, tome 2, Librairie Universelle, 1905.djvu/66

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
62
l’homme et la terre. — palestine

agrandit d’une manière démesurée les proportions réelles de la petite Palestine, comparée aux grands Etats.

L’étroite cité de Jérusalem a pris des dimensions exagérées dans l’esprit des fidèles, juifs et chrétiens, et les douze tribus, faibles peuplades occupant un lambeau de territoire entre la mer et le Jourdain, empiétant quelque peu de l’autre côté du fleuve, ont eu chacune dans l’histoire une page aussi longue que celle de mainte nation puissante. Aussi, lorsque des égyptologues commencèrent l’étude des monuments de toute espèce qui se voient dans la région nilotique, les lecteurs de la Bible s’imaginèrent-ils que les inscriptions et les manuscrits fourniraient de très nombreux témoignages relatifs au séjour des Israélites en Égypte, à leur fuite, à leur migration vers le pays de Canaan et aux relations de voisinage qui eurent lieu postérieurement entre les riverains du Nil et ceux du Jourdain ; mais ces pieuses espérances des judaïsants furent longtemps vaines et l’on attendait sans succès la corroboration hiéroglyphique des récits hébreux ; les attestations profanes manquaient aux affirmations des « livres saints », la plupart des coïncidences signalées sont douteuses ou même ont été reconnues fausses. C’est en 1896 seulement que Flinders Petrie découvrit à Thèbes le temple de Merenra, dont un bloc de syénite portant des inscriptions de six mille signes raconte les triomphes du roi sur toutes les nations des alentours, et notamment sur le « peuple d’Ysaraal, gâté et privé de sa semence »[1]. On retrouve aussi quelques appellations géographiques relatives à la contrée d’outre-Erythrée : Ramsès II inscrivit le nom du Jordan ou Jourdain sur les murs de Karnak, et Ramsès III le grava sur le temple de Medinet-Abu[2] ; Moab, l’une des nations rivales d’Israël, est mentionné une fois, sur un monument de Luksor.

Si l’Égypte, grande nation, semble ignorer le petit peuple d’Israël qui était venu lui demander asile, les Juifs au contraire ne peuvent faire autrement que de reconnaître dans leur histoire l’influence prépondérante des deux empires puissants entre lesquels ils avaient leur étroit domaine et qu’ils durent à diverses époques visiter en suppliants ou en prisonniers de guerre. Par leurs origines premières, soit qu’on interroge les caractères ethniques, soit qu’on

  1. Flinders Petrie, Contemporary Review, may 1896.
  2. Sayce, Patriarchal Palestine, pp. 21, 22.