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l’homme et la terre. — rome

sant Pyrénées et Jura, Rhône et Rhin, unissait Cadiz à Vindobona.

On peut juger du bon état des routes et de l’excellence du commissariat par la marche de Septime Sévère, ramenant toute l’armée pannonienne des bords du Danube à ceux du Tibre, au pas de 32 kilomètres par jour avec tous ses bagages et son armement. Si bien tracées étaient la plupart de ces routes qu’elles continuèrent d’être utilisées pendant les siècles du moyen âge, en dépit du manque de tout entretien, et presque toutes répondaient si bien aux conditions économiques du pays qu’il a fallu les reconstruire suivant les mêmes itinéraires. La mesure de la régression qui se produisit dans le monde européen par suite de l’effondrement de la civilisation romaine nous est fournie par ce fait que les voies romaines en Espagne, dans les Gaules, en Angleterre suffirent amplement au commerce pendant les siècles du moyen âge et qu’on n’eut à les compléter qu’aux temps comparativement modernes.

Les noms qu’on donne aux grandes routes dans les pays germaniques et en Angleterre rappellent encore le travail des constructeurs romains : les « strates » de pierres superposées pour l’établissement de la chaussée nous expliquent les termes de strasse, straat, street ; quant au mot anglais highway, il provient de ce que les routes étaient en effet élevées au-dessus du sol, en véritables remblais[1] ; on peut encore voir au sud-ouest de Old Sarum (Salisbury) une chaussée de cinq mètres de large qui, sur sept kilomètres de parcours, domine la plaine de près de deux mètres.

D’ailleurs, il ne faut pas oublier que nombre de routes attribuées uniquement aux Romains avaient été déjà frayées, même dallées par des peuples commerçants plus anciens : en Allemagne, notamment, on signale des chemins pavés qui existaient avant l’arrivée des légions romaines, suivant pour la plupart les dos de pays marqués par des rangées de tombelles.

Au travail matériel de la construction des routes correspondait le travail intellectuel de l’œuvre cartographique. Pendant les trois derniers siècles de l’Empire romain et toute la durée du moyen âge, les tables de Claude Ptolémée, dressées il y a dix-sept siècles et demi, servirent de règle à tous ceux, Européens ou Arabes, qui cherchaient à

  1. W. Denton, England in the fifteenth Century, pp. 171 à 173.