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l’homme et la terre. — rome

Les Romains avaient pénétré dans le désert ; ils connaissaient les terres sableuses ou pétrées, parsemées d’oasis, « comparables aux taches d’une peau de panthère » ; Cydamus, la moderne Ghadâmès, qui avait été connue des Grecs, puisque Duveyrier y découvrit une inscription en caractères helléniques, fut occupée par les Romains sous le règne d’Auguste et resta au moins pendant deux siècles et demi en leur pouvoir : sous Alexandre Sévère, il s’y trouvait encore un détachement de la IIIe légion Augusta, dont la fraction principale était cantonnée à Lambessa[1]. À cette époque, il devait donc exister des puits de distance en distance le long de cette route, car s’il y avait eu manque d’eau sur cette ligne, Cydamus eût reçu de Tripoli (Oea) sa garnison romaine. Le puits bien connu des caravaniers, dit Bir-er-Resouf-Cherf (Beressof), situé dans le désert, à moitié chemin de Lambessa à Ghadâmès, paraît avoir été construit par les Romains ; très probablement, il en existait d’autres plus au sud, qu’il s’agirait de déblayer et d’utiliser à nouveau[2].

Toutefois, si les aigles de Rome avaient pénétré dans les oasis lointaines et même poussé des reconnaissances jusque dans les régions avoisinant le lac Tzadé (E. Gallois), s’il est vrai que des monnaies aux effigies d’Helena Augusta et de Constantius Cæsar se soient infiltrées dans les bassins du Congo et du Zambèze, les légions laissèrent aussi, presque sans les entamer, des enclaves ethniques dans la région côtière, autant d’éléments de désagrégation future, lors du relâchement de la puissance centrale. Ainsi le mont Ferratus, le Djurjura de nos jours, leur résista constamment : on ne trouve, chez les Gaouaoua, pas une seule ruine de tour ou de maison, pas même un tombeau romain[3]. Il est surtout un mot duquel on abusé, celui de « grenier ». Sans doute, la province primitive d’ « Afrique », plus peuplée que maintenant — mais nous ne savons en quelles proportions —, subvenait à l’alimentation de Rome, qui contenait dans ses murs un million ou un peu plus d’un million d’habitants durant l’époque de sa plus grande prospérité ; toutefois il ne paraît pas, d’après les recherches des économistes, que la quote-part de cette province dans les exportations de blé pour l’Italie

  1. H. Duveyrier, Les Touareg du Nord.
  2. Cazemajou et Dumas, Bulletin de la Société de Géographie, 2e trimestre 1896, p. 152.
  3. E. Masqueray, Formation des Cités chez les Populations sédentaires de l’Algérie, pp. 113, 114.