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l’homme et la terre. — rome

Germains, où des rivières et des forêts, bordées de forts aux lieux stratégiques, contenaient les tribus âpres au pillage, et du côté des Parthes, où une longue frontière indécise changeait continuellement, suivant la pression des peuples limitrophes et les hasards de la guerre ; le monde romain, coïncidant presque avec le monde civilisé, se présentait en son unité superbe, bien limité par l’océan ou par le désert, se confinant avec des territoires dont les habitants ne pouvaient être considérés par les légions que comme de véritables barbares.

C’est ainsi que vers l’extrémité nord-occidentale de l’Europe, au milieu des brouillards éternels, les Romains avaient négligé d’occuper l’Irlande, et qu’ils avaient, au nord de la Grande Bretagne, reculé devant l’œuvre difficile d’envahir la contrée des Pictes, vaste amas de rochers, coupé de vallées profondes. Pour annexer à leur domaine ce territoire pour eux sans valeur, il eût fallu en occuper les points stratégiques et le sillonner de routes difficiles à construire : ils préférèrent élever un mur de défense dans la partie la plus étroite de l’île pour laisser aux Pictes comme une sorte de bauge et protéger les régions du centre et du midi qui sont devenues l’Angleterre proprement dite.

Dès les premiers temps de la conquête, Agricola commença la construction d’un mur en terre battue bordé d’un fossé profond qui longe au sud la vallée de la Forth et qui allait rejoindre la Clyde : il n’en reste plus de vestiges bien nets que dans les parcs seigneuriaux, où l’on en conserve avec soin les pentes gazonnées. Mais ce mur, dit d’Antonin, d’après le prince qui l’acheva, était trop aventuré dans la direction du nord ; et celui qu’Hadrien fit élever plus tard laisse complètement en dehors de l’ancienne Bretagne des Romains le massif des Cheviot-Hills et toute la région de l’Ecosse méridionale, aux limites bien tracées. Du firth de Solway à la bouche de la Tyne, près de Wallsend. « Fin de muraille », le rempart continu, flanqué de retranchements et longé de fossés constituait une très sérieuse ligne de défense, non seulement par les obstacles artificiels qu’il opposait à l’ennemi, mais aussi par le double fossé naturel que formaient, au Sud, les rivières Tyne, affluent de la mer du Nord, et Irthing, qui se déverse dans le canal d’Irlande. Aussi les barbares du nord devaient-ils naturellement chercher à forcer le passage en suivant le faîte de séparation des eaux : de cette manière, ils arrivaient de plain pied, précisément, dans la partie la moins peuplée de l’isthme, où les surprises étaient les plus faciles.