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l’homme et la terre. — rome

Mais les cent peuples enfermés entre les Pyrénées et le Rhin frémissaient de leur défaite, et la plupart d’entre eux se liguèrent contre l’étranger. Même les Eduens entrèrent dans la conjuration, et César se trouva menacé de perdre, avec les seuils de partage entre les deux mers, la clef de toute la contrée des Gaules. Les péripéties de cette lutte suprême fourmillent de scènes classiques des horreurs de la guerre : la destruction, par leurs propres habitants, des villes incapables de se défendre, le massacre méthodique d’une peuplade désarmée, les Eburons, dont la population valide avait succombé sur les champs de bataille, la campagne obscure des partisans indomptables succédant aux combats en ordre rangé sont des exemples typiques dont les siècles suivants ne montrent que de pâles décalques ; mais le courage des uns ne put prévaloir contre la science militaire et la persévérance des autres. Les Romains remportèrent définitivement, et ce fut précisément dans le voisinage du seuil, sur les pentes du mont Auxois que se livra la bataille décisive. En ce lieu géographique marqué par la nature se fit le dernier effort de l’indépendance gauloise : du coup la Gaule devint romaine et, par le même effet, l’équilibre de l’empire se trouva déplacé vers le monde extérieur ; avec un prodigieux accroissement de puissance, c’était aussi un redoutable danger.

L’expansion rapide des conquêtes romaines dans les contrées du monde barbare s’explique par le fait que les légions représentaient une très forte unité contre les petits États sans cohésion, divisés par les rancœurs des dissensions et des guerres, très ombrageux à cause de la différence des intérêts locaux, et dépourvus d’initiative par suite du grand ascendant des prêtres, des magiciens et druidesses, qu’il fallait consulter en toute occurrence grave. Les peuplades qui n’étaient pas séparées par ces différences d’origine et de langue et qui même s’unissaient à l’occasion par un lien de fraternité temporaire changeaient facilement d’idée quand elles voyaient miroiter devant elles les avantages illusoires ou réels d’un changement de politique. Même au plus fort du péril, César, qui avait perdu l’appui de ses anciens alliés les Eduens, se réconcilia par cela même avec ses anciens ennemis, les Séquanes.

L’évidente supériorité des Romains en civilisation était de nature à fasciner les populations soumises et à leur donner un idéal commun