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l’homme et la terre. — rome

émigration se trouvent à l’orient de l’Europe, et que le refoulement se faisait vers le pourtour du champ de production et de lutte, vers les péninsules et notamment vers l’Europe occidentale, qui s’amincit par degrés entre la Méditerranée et l’Océan.

Cependant, il y a eu aussi des mouvements de reflux : des migrations eurent lieu en sens inverse de l’Occident en Orient ; la plus fameuse est celle des Volces Tectosages ou Toulousains qui se fit il y a vingt-deux siècles. Quittant leurs campagnes des bords de la Garonne, ces guerriers marchent vers le pays du soleil levant, entraînés soit par simple esprit d’aventure, soit pour obéir à quelque engagement religieux de la nation, soit par suite d’insuffisance des ressources locales, d’un excès de participants au banquet de la vie. Ils vont devant eux, s’ouvrent un chemin, de force ou de bon gré, remontent le Rhône et la Saône, traversent le Rhin, contournent la Forêt Noire, puis descendent le Danube, pénètrent dans la Thrace et la Macédoine. Ils détruisent deux armées de Grecs encore tout fiers des souvenirs d’Alexandre ; ils poussent ainsi jusqu’à Delphes dont ils pillent les trésors pour en rapporter une grosse part à Toulouse et la consacrer aux dieux. Leurs aventures, qui semblent un rêve, avaient duré trois années, mais ils ne revenaient pas tous : deux de leurs bandes, aidées par les luttes entre les principicules anatoliens, auxquels elles vendent leur appui, franchissent l’Hellespont et le Bosphore, pénètrent en Asie Mineure et, après mille avatars — on trouve à cette époque des mercenaires gaulois dans tout l’Orient et même dans la vallée du Nil —, s’établissent sur le haut Halys. Le royaume de Galatie rappela, pendant une couple de siècles, leur étrange expédition.

L’invasion des Cimbres, originaires de la péninsule danoise, et des Teutons, venus de l’Europe centrale, renouvela chez les Romains les « terreurs » du tumulte gaulois : elle parait s’être ruée sur le monde occidental par les deux voies historiques majeures de la Germanie, celle des côtes septentrionales aussi bien que celle du Danube. Les récits incohérents des auteurs anciens nous les montrent tantôt sur un point, tantôt sur un autre, et l’on peut croire réellement que ces populations barbares, affolées du danger terrible de la résolution prise, erraient un peu à l’aventure. Des nations entières, hommes, femmes, enfants quittaient le sol natal, les tombeaux des aïeux, pour