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l’homme et la terre. — rome

était empierrée et pavée suivant le mode tyrien. Des noms romains se substituèrent aux vocables de la Phénicie[1].

Une fois maîtres de la route du littoral, les Romains voyaient s’ouvrir devant eux un autre chemin sans obstacles naturels, celui qui du bassin de l’Aude mène vers l’Océan par les bords de la Garonne. Un audacieux général, le consul Cépion, profita de cet avantage pour s’aventurer brusquement jusqu’à Toulouse et faire main basse sur les très riches trésors que les Gaulois Tectosages avaient jetés dans un lac consacré à Bélen, leur divinité solaire, analogue à Phœbus Apollon.

Cette rapide expédition de pillage, que les Cimbres errants vengèrent d’ailleurs bientôt après par l’écrasement complet des légions sacrilèges, inaugura une nouvelle ère de l’histoire, l’extension du monde méditerranéen vers l’océan du Nord. Certainement cette voie facile, si bien ouverte entre les escarpements des Cévennes d’une part, et de l’autre le mont d’Alaric et les collines boueuses du Lauraguais, devait avoir de tout temps une importance considérable, mettant en communication immédiate les Ligures avec les Ibères, et plus tard les Phéniciens, les Grecs et les Latins avec les Vascons d’Aquitaine, la « Province » avec la Gascogne.

Cette route a grandement facilité les relations des peuples entre eux, et de très grands événements se sont accomplis sur son parcours entre les populations oscillant de part et d’autre, comme des flots qui, accourant de deux mers, se précipitent et s’aheurtent au milieu d’un chenal. Aux temps des premiers rapports de Rome avec les Gaules, cette voie historique fut même, de toutes celles d’outre-Cévennes, la plus importante dans l’équilibre des nations. Alors la puissance romaine, cherchant à se constituer solidement autour du bassin de la Méditerranée occidentale, devait tout d’abord s’accroître vers les lieux où se présentait à elle le moindre effort de résistance. A cet égard, nulle autre partie des Gaules n’était plus facile à saisir que le bas seuil d’entre Aude et Garonne, Les obstacles dont les Romains eurent à triompher de ce côté n’étaient point comparables à ceux qu’ils surmontèrent dans les monts d’Auvergne et sur les arêtes de partage entre les deux versants de la Saône et de la Seine.

  1. Henry Martin, Histoire de France I; — Amédée Thierry, Histoire des Gaulois ; — Ch. Lenthéric, Le Rhône, tome I, pp. 66, 67.