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l’homme et la terre. — rome

à la fin du moyen âge[1] ; mais les passages étaient certainement pratiqués par les montagnards rhétiens ; le nom du col voisin, le Julier, qui communique latéralement avec le seuil de la Maloja, a probablement pour origine l’existence d’une colonne dressée au sommet du col en l’honneur de Jul (Youl), le Dieu du Soleil. Les Rhétiens utilisaient aussi la route de l’Engadine et surtout celle du Brenner, le long de laquelle on a trouvé un très grand nombre d’objets de toute nature dus à l’industrie préromaine. Mais les Romains eux-mêmes paraissent l’avoir évitée longtemps, pour suivre à l’ouest le chemin beaucoup plus long, mais moins pénible, qui remonte la vallée de l’Adige et, par la Malser Heide actuelle, redescend dans la vallée de l’Inn. À l’époque où cette voie fut construite par Drusus l’Ancien, sous le règne d’Auguste, les Romains avaient seulement le Rhin pour objectif du côté de la Germanie, c’est plus tard qu’ils eurent à gagner les contrées du Danube.

Dans les Alpes orientales, les deux passages qui font communiquer les bords de l’Adriatique avec les vallées de la Drave et de la Save, et que l’on connaît de nos jours sous les noms de Plekenpass et de Saifnitzpass (cols de Predil et de Tarvis), furent également pratiqués ; mais le seuil d’issue par lequel le grand mouvement des hommes et des choses entre les deux versants se fit de tout temps avant l’époque romaine, puis, lors de la grande expansion de Rome, et depuis, dans le moyen âge, est celui que l’on nomme col du « Poirier » et qui traverse le Karst pour redescendre dans la vallée de la Save et se ramifier ensuite en diverses directions vers le Danube germanique et hongrois. Ce passage est, à l’angle nord-oriental de la péninsule Italiote, aussi important que le Grand-saint-Bernard à l’angle nord-occidental : entre ces deux chemins, les Alpes helvétiques et rhétiques se dressèrent longtemps comme un rempart infranchissable aux populations d’en bas.

Même lorsque les Romains furent devenus les maîtres du vaste hémicycle des campagnes sous-jacentes, le grand mur les empêcha longtemps d’y tenter un chemin pour leurs échanges et leurs conquêtes : ils ne pratiquèrent d’abord de passage qu’à l’ouest vers les Gaules, à l’est vers la Pannonie, mais à mesure que se fit l’utilisation des cols alpins, ils eurent à suivre les indications mêmes de

  1. A. Hedinger, Handelsstrassen über die Alpen in vor und frühgeschichtlicher Zeit, Globus, 15. IX. 1900.