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l’homme et la terre. — rome

de l’arête principale qui se déploie du massif des Alpes apuanes jusqu’aux monts des Samnites et à l’enceinte de grands sommets au milieu de laquelle se dresse le Vésuve. Or Rome est aussi bien le centre de gravité de ce vaste arc des Apennins que de l’amphithéâtre restreint du Latium.

Que de rivage à rivage, de l’embouchure du Tibre à celle de la Pescara, l’on mène une ligne passant entre le Gran Sasso et le Mont Amaro, et l’on sera frappé de la symétrie du relief terrestre limité au tronc de la Péninsule ; l’arête montagneuse et le littoral occidental enserrent les champs féconds d’Etrurie et de Campanie et, aux deux extrémités, viennent se souder à la mer, pour ainsi dire : au nord-ouest, le long de la Rivière orientale de Gênes, au sud, à l’entour du massif dont le plus haut sommet est le mont Cervati. Du côté de la mer Adriatique, la pointe d’Ancône correspond à la « Testa » de Gargano et la plaine d’Emilie aux riches pâturages d’Apulie.

Ce n’est pas tout : Rome occupe également le milieu naturel d’un cercle bien plus vaste, celui dont la demi-circonférence septentrionale est tracée par la puissante saillie des Alpes. Enfin, Rome n’est-elle pas le vrai milieu de tout le bassin méditerranéen, et les limites politiques de ce qui fut l’empire romain ne coïncident-elles pas d’une manière générale avec le versant des terres qui entourent l’immense réservoir de la mer Intérieure ? Rome est, dans la géographie historique, l’exemple parfait d’un point vital autour duquel les traits du sol décrivent quatre cercles parallèles. Chacun de ses accroissements en puissance s’appuyait ainsi sur tous les accroissements antérieurs : chaque progrès s’accomplissait suivant un rythme qui était celui de la nature elle-même. Si Rome a fini par perdre son autorité, c’est que l’axe du monde œcuménique s’est prolongé vers le nord-ouest et que même la Méditerranée a fini par n’être plus qu’une simple annexe du territoire civilisé, désormais tourné vers l’Océan.

Cette disposition géographique des terres dont Rome occupait le centre eut pour résultat de lui donner pendant des siècles une extrême solidité dans la résistance. La petite nation enfermée dans le vaste amphithéâtre des collines et des monts dut se ramasser sur elle-même, se donner une vigoureuse ossature, et, pour ainsi dire, un squelette dur et trapu. Avant de s’étendre au delà, dans les limites du deuxième amphithéâtre concentrique formé par les Apennins, elle