Page:Reclus - L’Homme et la Terre, tome 2, Librairie Universelle, 1905.djvu/460

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
452
l’homme et la terre. — rome

nature les obligeait à vivre en petits groupes épars sur un vaste territoire coupé de précipices, de vallées profondes, et très difficilement pouvaient-ils s’unir en armées et combattre un peuple aussi solidement constitué et bien outillé pour la guerre que l’était le peuple de Rome. Celui-ci s’empare des plaines disputées, celles de la riche Campanie, puis la lutte se poursuit pendant des générations et avec des succès divers dans les défilés et sur les pentes des montagnes. La ténacité des Romains finit par l’emporter : tout en attaquant de front leurs ennemis dans les hautes vallées du Samnium, ils réussirent également à les tourner, à l’ouest par la Campanie, à l’est par l’Apulie ; des deux côtés, ils assiégeaient les hautes terres et les coupaient de toutes communications avec les villes alliées de la Grande Grèce.

Les guerres de Rome avec les Etrusques et les Samnites permettent d’apprécier à sa valeur la position géographique de la ville par rapport à l’ensemble de la Péninsule. Si les éléments ethniques, déterminés par des milieux antérieurs, étaient favorables à un grand développement de forces dans la république Romaine, l’ambiance géographique était aussi de nature à seconder la fortune de Rome et à lui donner un ascendant victorieux sur les contrées environnantes. Peu de villes furent mieux situées comme centre. Déjà, au point de vue purement local, elle avait l’avantage de se trouver au milieu d’une plaine formant amphithéâtre entre des massifs élevés qui lui constituaient une sorte de rempart, sur un fleuve navigable et déjà gonflé de toutes les eaux affluentes. Rome était donc relativement bien placée pour servir de marché à tout le bassin inférieur du Tibre, et la bouche de son fleuve offrait du moins un certain abri sur cette longue côte dangereuse qui borde en ces parages la mer Tyrrhénienne.

Mais les avantages se révèlent surtout quand on embrasse du regard l’ensemble de la Péninsule. La campagne romaine se trouve exactement à égale distance des deux extrémités de l’Italie, en y comprenant la Sicile, qui est bien certainement une dépendance de la grande terre. Le centre géométrique de la presqu’île italienne tombe, il est vrai, beaucoup plus à l’est, dans le bassin lacustre du Fucinus, mais cette région est en pleine montagne ardue, d’accès difficile, et, des deux pieds de la chaîne, Rome occupe celui de l’ouest, où les plaines sont plus largement