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ausones, ombriens, grecs

péninsule Italique par les passages des Alpes orientales, les vallées de la Save, de la Drave et du Danube, il dut se produire aussi des mouvements d’exode plus directs et moins lents à travers l’Adriatique. Lorsque les tribus de montagnards jaloux, que les rivalités pour la possession des fontaines, des bois, des pâturages tenaient en état de guerre permanente, trouvaient le sol héréditaire trop étroit pour elles, ou avaient à fuir d’impitoyables vainqueurs, il leur fallait quitter la citadelle de rochers et descendre vers la mer, peut-être même cingler directement vers la rive opposée : avant l’histoire, les mêmes causes amenaient sans aucun doute les mêmes résultats que ceux dont les annales nous fournissent un si grand nombre d’exemples. Les déplacements de toute nature, et les refoulements qui en étaient la conséquence, entraînèrent donc souvent des expéditions de fuite ou d’aventure entre les côtes dalmates et celle de l’Italie. Or, parmi ces émigrants de la péninsule orientale, combien appartenaient, comme les autres Italiotes, à des tribus apparentées aux Grecs, et combien qui même étaient de purs Hellènes ? Si le nom de « Grecs », très peu usité chez les Hellènes eux-mêmes, est celui que nous ont transmis les Romains comme la désignation par excellence de toute la nation, la cause n’en est-elle pas à ce que la peuplade des Graïkoï, habitant les forêts de l’Epire et les vallées sacrées de Dodone, était surtout représentée parmi les colons de l’Italie méridionale ?

Enfin, nombre d’immigrants arrivèrent en Italie en traversant la mer Ionienne. Il n’est plus possible de douter qu’à une époque très ancienne les nautoniers de plus d’une peuplade intrépide avaient appris à affronter la haute mer. À l’époque où les Romains prirent connaissance des œuvres des rhapsodes grecs, beaucoup de légendes se formèrent dans lesquelles les familles patriciennes se choisissaient un ancêtre parmi les héros de l’Iliade, mais sont-ce là uniquement des légendes ? Y a-t-il simple coïncidence entre la Circé d’Homère et le cap Circé, derrière lequel s’abritent les marais Pontins ? Ne savons-nous pas qu’on attribuait à Enée la fondation de Lavinium avant que la vanité romaine s’emparât de ce héros ? Les inscriptions nilotiques ne disent-elles pas que, sous Ramsès II, Menephtah et Ramsès III — 1 300 ans avant l’ère vulgaire —, des peuples d’Asie Mineure vinrent attaquer le Delta par mer, et, parmi ces navigateurs, ne voit-on pas les Charda, Ceux qui donnèrent ensuite son nom à la Sardaigne, et les