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l’homme et la terre. — rome

de peuples puissants, dont l’un même, celui des Ausones, a laissé son nom, dans le langage classique, à toute la péninsule. Les Ombriens paraissent aussi avoir été autrefois une nation au vaste domaine : venus probablement de la presqu’île orientale, la Balkanie, ils occupèrent une grande partie des campagnes du Pô, les deux versants de l’Apennin et le littoral de l’Adriatique jusqu’au Monte Gargano ; la rivière Umbro (Ombrone) qui se déverse dans la mer Tyrrhénienne, en face de la Corse, est encore désignée d’après eux.

Ainsi qu’en témoignent les mots laissés par les Ombriens et les autres peuples de leur parenté, ces immigrants de l’Italie appartenaient à la même souche ou du moins au même groupe ethnique de civilisation que les Pélasges et les Grecs. La ressemblance complète des dialectes helléniques et des langues italiques prouve qu’il y avait eu autrefois unité de langage entre les ancêtres des uns et des autres, et que ces premiers pères avaient habité une patrie commune, probablement dans la basse région danubienne, avant de se séparer en deux bandes de migrateurs, se dirigeant par étapes plus ou moins lentes vers les deux péninsules du sud et du sud-ouest. Les radicaux, des mots sont les mêmes, les suffixes, les noms de nombres ont les mêmes origines et modes de formation, le génie des parlers se révèle suivant les mêmes lois. De même que les langues, les divinités se ressemblent, et d’une manière si remarquable qu’il a suffi de traduire les noms, tant les attributs des personnages correspondent bien. Zeus pater n’a-t-il pas Jupiter pour synonyme parfait ? Juno n’est-elle pas Dioné ? Et quand les noms diffèrent, les fonctions analogues ne permettent-elles pas de reconnaître le dieu ? Mars, de même qu’Ares, représente les orages du printemps, les expéditions de pillage et de batailles ; le Soleil est Hêlios ; Cérès, la « déesse mère », préside aux moissons de la Sicile et de l’Italie aussi bien qu’à celles de la Grèce ; Vulcain forge dans les gouffres souterrains comme Hephaïstos, et chaque source, chaque grotte, chaque arbre a les mêmes nymphes ou les mêmes génies[1].

L’aspect même des contours géographiques de l’Europe montre que si des peuples migrateurs, parents des Hellènes, pénétrèrent dans la

  1. André Lefèvre, L’Histoire, pp. 149, 150.