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l’homme et la terre. — îles et rivages helléniques



pourtour de rivages. La Propontide, l’Euxine, la Maréotide, les mers de Crète, de Rhodes et de Cypre leur étaient familières. Pas une baie qu’ils n’eussent explorée, pas une île, pas un promontoire qu’ils n’eussent visité ; les sentiments hostiles ou serviles, les penchants guerriers ou mercantiles de la moindre peuplade leur étaient connus, sur chaque site propice ils avaient établi quelque famille, construit quelque rempart, élevé quelque autel. La côte subit, sur des milliers de kilomètres de longueur, l’ascendant de leurs puissantes et nombreuses colonies et en garda l’empreinte. Un territoire leur resta pourtant fermé : les Grecs avaient bien réussi à déloger les Phéniciens de toutes les positions avancées que ceux-ci occupaient antérieurement sur les rivages anatoliens et insulaires, mais ils durent respecter la côte tyrienne elle-même, depuis les abords du golfe d’Alexandrette jusqu’à la bouche pélusiaque du Nil.

Dans toute la Méditerranée orientale, les Grecs se trouvèrent mêlés à des populations résidantes avec lesquelles ils n’avaient aucun point de ressemblance, et leur influence civilisatrice sur l’arrière-pays ne se fit sentir profonde que par l’intermédiaire de la conquête macédonienne : ce fut une action accomplie par des rois, des gouverneurs, des soldats, et dont par conséquent la plus grande partie s’exerça en pure perte, il n’y eut pas fusion. Mais indirectement l’effet de la période grecque fut durable : tournée vers l’Est, l’Hellade, comme un miroir, révéla l’Orient à lui-même et donna aux peuples qui l’habitaient un sentiment de cohésion qu’ils n’avaient pas connu auparavant. Si les Hellènes furent englobés dans le monde romain, ils suscitèrent, peut-on dire jusqu’à un certain point, une organisation contre laquelle la puissance italique vint se briser dans la vallée des fleuves jumeaux.

A l’occident de la Grèce, la situation respective des puissances maritimes était toute différente, de même que les relations entre colonisateurs et autochtones. Un comptoir phénicien s’y était peu à peu développé en un puissant empire, pendant que les Hellènes établissaient leur suprématie sur les rivages orientaux, et quand ils prirent, à leur tour, le chemin de l’Ouest, la résistance carthaginoise limita leur action en plus d’un territoire. Après des années et des siècles de lutte, les Grecs se trouvèrent maîtres du rivage de l’Italie du sud et de nombreux points sur la côte des Ligures, tandis que des colons