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l’homme et la terre. — îles et rivages helléniques

entr’autres celui de ne pouvoir être frappés qu’avec le bâton, tandis que la populace était battue avec le fouet, la courbache héréditaire que connaissent bien les fellâhin de nos jours[1]. Il n’y eut point de citoyens en Égypte, mais seulement des sujets ordonnés en une hiérarchie savante. Les papyrus de l’époque donnent des listes interminables de fonctionnaires qui se renvoient indéfiniment les actes et documents au détriment de la chose publique.

L’ère des Ptolémées fut pour l’Égypte une période d’enrichissement extraordinaire : par le commerce, Alexandrie devint réellement le centre du monde. Les Egyptiens, qui, pendant de longs siècles, avaient considéré la mer comme un domaine maudit, comme le royaume de Typhon, se trouvèrent être les dominateurs de la Méditerranée orientale ; même il leur arriva de commander dans la mer Egée : après l’annexion de Cypre et de la Cyrénaïque, après le traité d’alliance étroite avec Rhodes, en l’honneur de laquelle le premier Ptolémée s’appela le « Sauveur, » après la destruction des flottes de corsaires, l’Égypte devint, non sans de très nombreuses vicissitudes d’ailleurs, la puissance maritime par excellence à l’est de la Sicile. La confédération des îles égéennes, dont Tenos était probablement le chef-lieu, choisit Ptolémée Soter pour président et fit célébrer des fêtes en son honneur[2]. Athènes, la glorieuse Athènes, descendit même, par mendicité, jusqu’à la honte de se déclarer presque vassale de Ptolémée Philadelphe, qui, en échange de ces bassesses, lui fit cadeau de 50 talents. C’est la triste aventure, lamentable fin d’Athènes, que Grote raconte avec indignation en terminant son Histoire de la Grèce[3]. Enfin Ptolémée Evergète ne fut-il pas nommé généralissime des flottes de l’Attique et de la ligue achéenne ?

De l’Est, du Sud, convergeaient les chemins de caravanes pour subvenir à l’énorme trafic d’Alexandrie, par le bas Nil et les ports accoutumés de la mer Rouge, auxquels s’ajouta Bérénice, sous la même latitude que Syène ; on prit soin d’aménager des routes faciles à travers les solitudes des monts « arabiques » pour assurer aux richesses de l’Inde et de l’Afrique orientale une arrivée sûre dans les entrepôts d’Alexandrie. A cette époque, le canal navigable du Nil au golfe de Suez par le bassin des lacs Amers avait été

  1. J.-P. Mahaffy, The Empire of the Ptolemies, p. 76 et suiv.
  2. Th. Horaolle, Bulletin de la Soc. de Géographie de l’Est.
  3. Chap. XCVI.