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l’homme et la terre. — îles et rivages helléniques

C’est un fait remarquable que Sérapis résume en son immensité divine les trois grands dieux, manifestation spéciale d’une seule et même divinité, maîtresse de toutes choses. Impuissant à ressentir la même adoration pour tous les dieux, l’esprit de la foule les personnifiait en trois chefs de groupe : en eux se concentrait toute la ferveur de foi qui monte des humains. En ces trois personnes de Sérapis, ne peut-on voir symboliquement le dieu du Ciel, celui de la Terre et celui des Enfers ? Ne peut-on les assimiler également au Maître du Passé, au Régulateur du
antinœ : porteur d’eau et laboureur
Groupe en terre cuite datant de la période romaine.
Présent et au Détenteur des secrets de l’Avenir ? Les conceptions de la Divinité étant nécessairement flottantes comme le rêve, sans aucune limite qui les précise, les attributs des personnes de la Trinité égyptienne devinrent sans peine ceux de la Trimourti hindoue, Brama, le Créateur, Vichnou, le Conservateur, Siva, le Destructeur. Le caractère indécis des personnes celestes, qui de siècle en siècle et de peuple en peuple changent de nom et d’attributs, devait faciliter, soit la réduction, soit l’extension des « hypostases » du dieu unique. C’est ainsi que, chez les anciens Juifs, la divinité se trouvait naturellement décomposée en deux personnages, Yahveh et son « parèdre », adoré dans le même temple, sa femme représentée dans les textes torturés de l’Ancien Testament par le Rouah, l’Esprit, dont on a fait aussi le Saint-Esprit. De même, chez les Moabites, le dieu Kamoch, qui présente tant de ressemblance avec le Yahveh des juifs, avait Astar Kamoch pour déesse parèdre. Puis, durant l’évolution du culte catholique, la Vierge Immaculée, « Mère de Dieu », ne s’est-elle pas, en dépit du dogme officiel, jointe réellement, dans les prières des fidèles, aux trois personnes de la Trinité ? Et même, n’est-elle pas devenue, pour la majorité de ceux qui l’invoquent, la « Dame » par