Page:Reclus - L’Homme et la Terre, tome 2, Librairie Universelle, 1905.djvu/386

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
378
l’homme et la terre. — îles et rivages helléniques

célèbre Tarsus, bâtie jadis au bord d’un très modeste cours d’eau, le Cydnus « aux eaux glacées »[1].

Aux temps prospères de Tarse, la fameuse cité — le fabuleux Sardanapale, d’après une inscription ninivite, se vantait de l’avoir bâtie « en un jour » avec sa voisine Anchiale — était devenue la rivale des villes les plus illustres par leurs écoles. « Les habitants de Tarse sont tellement passionnés pour la philosophie, ils ont l’esprit si encyclopédique, que leur cité à fini par éclipser Athènes, Alexandrie et toutes les autres villes connues comme celles-ci pour avoir donné naissance à quelque secte ou école philosophique », dit Strabon[2]. Puis le géographe d’Amasie énumère les hommes dont la gloire devrait rejaillir sur leur ville natale des bords du Cydnus, soit à Tarse même, soit à Rome, car la capitale de l’empire « regorgeait autant de Tarsiens que d’Alexandrins ». Quelques années encore, et il aurait pu citer, parmi les enfants de Tarse, le plus connu de tous, saint Paul, le vrai fondateur du christianisme.

Si Tarse avait pu offrir à ses — citoyens un si grand nombre d’écoles, et tant d’occasions de s’instruire, c’est grâce aux richesses que son très important commerce avait pu lui procurer. Le Rhegma, bassin dans lequel allait se jeter le Cydnus, avait été aménagé en port intérieur, bien ouvert du côté de la mer, suffisamment profond et parfaitement abrité. Les campagnes des alentours, défendues contre les inondations du Saros et du Pyramos, étaient parmi les plus fertiles du monde, et Tarse avait l’avantage commercial de détenir, du côté de l’est, les approches du fameux défile de la Porte Amanicienne, sur le chemin de l’Euphrate, et, du côté du nord, la voie directe, taillée dans le roc, vers la porte Cilicienne. Cette dernière route, l’un des triomphes de la civilisation antique, faisait de Tarse l’un des points vitaux du monde grec. Prochainement un nouveau tracé, celui du chemin de fer, déplacera le centre de vie pour le reporter plus à l’est, vers Adana[3], qui deviendra la gare d’embranchement où la ligne de Mersina rejoindra la grande voie de Constantinople au golfe Persique.

Durant le conflit sauvage des armées de bandits et de mercenaires de toutes nations qui s’entre-heurtaient dans l’immense champ de

  1. N. W. Ramsay, Scottish Geographical Journal, oct. 1903, p. 362.
  2. Géographie, Livre XIV, v. 13.
  3. N. W. Ransay, article cité.