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l’homme et la terre. — îles et rivages helléniques

à en juger par l’aspect cunéiforme de plusieurs signes. On a pu déchiffrer ces syllabaires, grâce aux nombreuses inscriptions bilingues, cypriotes et phéniciennes, cypriotes et grecques, découvertes en diverses parties de l’île.

Les pèlerins venaient en si grand nombre des terres environnantes que l’on entendait parler tous les idiomes dans les bosquets des villes saintes consacrées à la déesse : Idalion (Dali) ou le Sanctuaire de la Reine. Amta Khadasta (Famagusta) ou la « Sainte Femme », Amathonte (Hamath), autre lieu consacré à Cypris, Paphos (Bafa), où l’on adore toujours la « Sainte Mer ». On portait à ces lieux sacrés d’innombrables offrandes, statuettes, vases et bijoux, que recherchent maintenant les collectionneurs et les artistes. Le plus ancien monument connu de l’île fut une image taillée du roi d’Assyrie, Sargon, qui se dressait sur la côte orientale de Cypre depuis vingt-six siècles lorsqu’elle fut découverte par les savants et transportée au musée de Berlin.

Comme fragment du domaine laissé par Alexandre, Cypre, située dans la zone de transition entre les deux mondes, devait être disputée par les héritiers du conquérant : elle finit par appartenir à l’Egypte, c’est-à-dire au souverain d’Alexandrie, qui disposait des chemins de la mer. Il est remarquable qu’après de nombreux avatars, l’île dépende à nouveau d’une puissance thalassocrate par excellence, l’Angleterre, et obéisse à la même inspiration que la vallée nilotique.

Au nord du golfe d’Alexandrette, la plaine de Cilicie, partagée en deux par une chaîne de collines qui, explique le nom de « deux Cilicies » donné souvent au pays-bas d’entre Taurus et Amanus, cette plaine, notamment la Cilicie occidentale où se succédèrent quelques-uns des marchés les plus actifs du monde, fut une de ces régions reprises par les Hellènes sur les Phéniciens. Mallos, située sur une butte, près de la bouche du Pyramos, entre les marais et la terre ferme, était, il y a vingt-huit siècles, le premier emporium de la contrée. L’accroissement des alluvions qui rendaient dangereux les abords de la côte et s’avançaient en mer, menaçant, disait l’oracle, d’aller rejoindre l’île de Cypre, peut-être aussi l’influence redoutable des fièvres, enfin les changements continuels de la géographie locale, soumise aux divagations des deux fleuves très abondants, le Pyramos et le Saros — le Djihun et le Sebun —, qui tantôt se rejoignaient, tantôt se