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l’homme et la terre. — grèce

deux, qui devaient, après la mort des parents, hériter de la fortune entière ». Toute décadence se manifeste par les mêmes symptômes. Néanmoins, la puissante vitalité qui avait fait naître la civilisation grecque était encore loin d’être épuisée et même, à certains égards, donna-t-elle ses meilleurs fruits ayant que la main de Rome vînt brutalement supprimer la Grèce : il arrive souvent qu’en des organismes physiquement affaiblis la pensée prend une plus grande acuité, une force de pénétration plus profonde. Des ligues se formèrent entre petites républiques avec la volonté sincère de respecter les libertés locales, de n’assurer de privilège à aucun État aux dépens des autres. Jamais les Grecs ne s’étaient aussi rapprochés d’une véritable fédération que durant l’existence de la ligue achéenne. Fondée dans le Péloponèse, surtout par les descendants de ceux des Grecs qui, mille ans auparavant, antérieurement à Sparte et Athènes, avaient exercé l’hégémonie pendant la guerre de Troie, cette ligue ramenait le centre de gravité de l’Hellade vers le point qu’il avait occupé jadis avant les grandes invasions doriennes : la vieillesse renouvelait le cycle de l’enfance. Les derniers des Grecs furent ceux qui en avaient été les premiers. « La fin de la Grèce rappela ses commencements ; Philopœmen était un arcadien, — un Pélasge »[1].

Mais la belle ligue achéenne, qui devait embrasser tout le monde grec, réaliser l’idée du panhellénisme, avait contre elle tous les tyrans des cités, toutes les vieilles aristocraties qui ne pouvaient espérer de maintenir leur pouvoir que par l’alliance avec les Macédoniens ou d’autres conquérants. Aux anciens ennemis vinrent bientôt s’en joindre de plus redoutables ; le monde s’était élargi et au fur et à mesure que la Grèce développait sa pensée d’indépendance, les dangers du dehors devenaient plus pressants dans une proportion plus rapide : Athènes, ayant pris conscience d’elle-même par le renversement des tyrans et les victoires sur les Mèdes, se gouverne en démocratie, mais, s’attribuant l’hégémonie, elle est renversée par Sparte. La ville du Parthénon redevient libre et prospère, plus respectueuse des autres cités : le Macédonien la subjugue. Une fédération libre, véritable organisation populaire, se forme avec la ligue achéenne : les Romains font leur apparition dans la péninsule illyrique.

  1. Michelet, Histoire Romaine, pp. 60, 61.