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l’homme et la terre. — grèce

Chalcis. Cet endroit privilégié possède à la fois les avantage d’une ville continentale et ceux d’un port maritime. La cité se trouve au loin dans l’intérieur des terres, et cependant au point de rencontre de deux golfes ; elle commande à la fois les chemins maritimes du Nord et du Sud, et par un simple pont, facile à défendre en cas d’attaque, se rattache à la péninsule de l’Attique et à l’ensemble de l’Europe. En outre, elle avait une source locale de richesses, fournie par ses mines de cuivre, et de toutes parts accouraient les marchands. Devenue centre de commerce et de puissance, elle fonda de nombreux comptoirs sur les rives lointaines et finit même par devenir la métropole de trente-deux villes, bâties par elle dans la triple péninsule projetée comme une main au sud de la Thrace et connue encore de nos jours sous le nom de « Chalcidique ». Combien grand eût pu devenir le rôle de Chalcis, comme celui de Corinthe, si les avantages de sa position avaient été complétés par un domaine environnant d’une grande étendue, présentant un caractère d’unité géographique ! Mais Chalcis et Corinthe n’étaient que des points, pour ainsi dire, et, malgré leurs avantages locaux extraordinaires, elles furent distancées historiquement par des cités moins favorisées quant au site, mais ayant de plus vastes territoires pour dépendances naturelles.

Dans la concurrence vitale qui se produisit entre les nombreuses cités de la Grèce, avec leurs divers avantages locaux pour la production agricole, industrielle ou minière, les facilités du commerce, et la puissance de résistance ou d’attaque, un certain équilibre finit par s’établir entre les petits États de la Grèce continentale et ceux du Péloponèse, mais c’était un équilibre peu stable, comme celui qui se produit dans les phénomènes éternellement changeants de la vie. Les deux contrées qui s’affrontaient de chaque côté de l’isthme de Corinthe étaient à peu près égales en étendue, car les parties montueuses de la Grèce du Nord, que le haut Parnasse et les autres grands massifs de montagnes, jusqu’aux arêtes maîtresses du Pinde, séparent de la Boétie et de l’Attique, restaient à demi en dehors de la Grèce, à cause de l’âpreté du sol et de la sauvagerie des populations. Dans l’ensemble, le Péloponèse présentait plus de force compacte, plus de solidité, non seulement pour la défense, mais aussi pour l’offensive. L’avantage revenait à la Grèce du Nord quand elle ajoutait à sa puissance celle des îles voisines jusqu’à la côte d’Asie. D’ailleurs, les