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l’homme et la terre. — grèce

conquises. Mais le gros de l’armée envahissante avait poussé plus avant, s’était emparé de la Phocide jusqu’au golfe de Corinthe, puis, contournant l’Attique, vaillamment défendue, avait forcé les portes du Péloponèse, à Mégare, à Corinthe et, refoulant, massacrant, asservissent les populations résidantes, avait fait, par le droit de la lance, une terre dorienne des anciens royaumes et communautés pastorales de l’orient et du centre de la péninsule.

L’Argolide et la Lacouie surtout devinrent les centres de la domination dorienne, sans que, d’ailleurs, la race des conquérants s’y conservât pure : plus tard, les rois de Sparte eux-mêmes se vantèrent de leur origine achéenne[1]. Les régions du Péloponèse qui, en tout ou en partie, échappèrent aux Doriens furent les terres montagneuses du nord et du centre. Les Achéens, repoussés dans les vallées du Cyllène et de l’Erymanthe, se pressèrent les uns contre les autres en vue des eaux du golfe de Corinthe ; les pasteurs Arcadiens, cantonnés dans leur forteresse, au milieu du Péloponèse, gardèrent en maints endroits la jouissance de leurs forêts et de leurs prairies, et si les Messéniens durent à la fin recevoir la loi de l’atroce vainqueur, du moins fut-ce après avoir résisté héroïquement. Quant à l’Elide, aux belles campagnes arrosées par des eaux abondantes, elle était absolument ouverte aux invasions doriennes, et fut en effet soumise à des rois de la race conquérante, mais en vertu d’un accord avec des cités confédérées. Bien avant que les jeux olympiques devinssent la fête de la Grèce par excellence, l’Elide était un pays vénéré de tous, grâce à un sanctuaire fondé par le mythique Pélops et aux jeux publics qui ajoutaient à la sainteté et à la renommée du temple. Aussi la contrée fut-elle relativement épargnée par les féroces Doriens et, plus tard, échappa-t-elle longtemps aux incursions et aux pillages, malgré les énormes richesses qu’y apportaient les fidèles et les gymnastes. De même, de l’autre côté du golfe de Corinthe, le petit État sacerdotal de Delphes dut à la majesté de ses oracles le maintien de son indépendance et l’acquisition de ses trésors[2].

Même par delà les détroits et la mer, les peuples eurent à se déplacer par suite de la grande migration dorienne, qui, après la prise de possession des ports du Péloponèse, se poursuivit aussi sur les

  1. Hérodote, Histoires, Livre V, 72.
  2. G. Perrot et Ch. Chipiez, Histoire de l’Art dans l’Antiquité, tome VII, p. 8.